
« Les mensonges de la légende sont plus beaux que les vérités de l’histoire. »
Daniel Bernard, l’un des meilleurs spécialistes de la culture berrichonne, nous entraîne au cœur de l’imaginaire populaire, aux frontières du fantastique et du surnaturel.
« Dans nos vallées ombragées, coupées des grandes plaines fertiles, un animal indéfinissable se promène la nuit à certaines époques indéterminées, va tourmenter les bœufs au pâturage et rôder autour des métairies, qu’il met en grand émoi. Les chiens hurlent et fuient à son approche, les balles ne l’atteignent pas …On l’appelle la grand’bête, par tradition… Elle appartient à une espèce inconnue dans le pays...Ce n’est précisément ni une chienne, ni une vache, ni un blaireau, ni un cheval, mais quelque chose comme tout cela », écrivait George Sand dans Les Légendes rustiques .
Grand’bêtes, dragons, cocadrilles, lupeux, chevaux Mallets, levrettes, lubins, loups-garous et loubrous…Nombreuses sont les créatures du bestiaire fantastique berrichon. Considérées comme des manifestations du diable ou des métamorphoses de sorciers, elles surgissent de l’obscurité, messagères d’un monde étrange, au-delà du temps et de l’espace.
D’autres créatures, anthropomorphes celles-là, mais tout aussi inquiétantes : revenants, brayeuses, peillerousses, lavandières, fades et fadets…se pressent aux portes de la nuit. Elles ne sont pas forcément malveillantes mais il faut apprendre à les connaître. Et gare à l’imprudent qui franchit sans réfléchir les barrières entre les mondes !
Comme la marée montante, l’imagination envahit tous les interstices du réel : géographie, géologie, vestiges de l’histoire humaine. Pour expliquer la présence dans le paysage rural d’éléments naturels insolites : monuments mégalithiques, rochers aux formes bizarres, tumulus, buttons, étangs, mardelles…les habitants imaginent des légendes dont les héros sont des fées, des martes ou des géants. Le plus connu est Gargantua qui inspira François Rabelais.
« Encore un ou deux ans peut-être, écrivait la dame de Nohant dans l’appendice de La mare au diable (1846) et les chemins de fer passeront leur niveau sur nos vallées profondes, emportant, avec la rapidité de la foudre, nos antiques traditions et nos merveilleuses légendes. »