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Eryck de Rubercy, Dominique Le Bihan, Douze question posées à Jean Beaufret à propos de Martin Heidegger, Editions Aubier Montaigne, 1983

 

Lang ist gang in gleicher spur :

Was ihr denkt und lernt und schafft...

Doch des götter-rings verhaft

Dauert einen sommer nur !

 

Longue est la marche en même trace :

A qui pense et apprend et crée

Mais l'arrêt de l'anneau des dieux

Jamais ne dure qu'un été.

 

Stefan George

 

 

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"Pour Dominique Le Buhan et pour Eryck de Rubercy


Le plus beau don qui puisse être fait à celui qui pense, ce sont les questions essentielles, qui l'incitent à une méditation renouvelée. Un tel présent vous l'avez destiné à mon ami de longue date Jean Beaufret avec vos Douze questions.


Je vous remercie cordialement, en vous adressant mon salut amical.


Martin Heidegger

Fribourg en Br.

Le jour du 200 ème anniversaire de la naissance de Schelling 

 

 

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Portail Saint-Jean

aux environs de Malaucène (Vaucluse) 17.01.75

 

Merci d'avoir ouvert, comme le silex ouvre à l'étincelle, le portail d'ardoise bleue et de nous avoir conduit dans la Grande Cour où nous écoutons notre ami Jean Beaufret "interpréter l'être sous l'horizon du temps."

 

René Char


 

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"Impressionnés par l'apport essentiel de Jean Beaufret au domaine de la philosophie ainsi qu'à la langue française, Dominique Le Buhan et Eryck de Rubercy décidèrent, il y a quelques années, de rencontrer et de questionner le destinataire de la Lettre sur l'humanisme, dont l'oeuvre leur semblait une sorte "d'île radiale", située à égale distance de la pensée de Martin Heidegger et de la poésie de René Char. 

 

Issus du dialogue considéré comme un art, ce livre pose les questions qui résultent nécessairement de la fréquentation de la parole du philosophe allemand : sur la temporalité de l'être et la métaphysique, le rationalisme et le déclin de l'Histoire, le concept de valeur ou les liens respectifs entre technique, langue, poésie et pensée.

 

Stimulé par le caractère incitateur de ces questions, Jean Beaufret parvient à déjouer leur difficulté pour aider le lecteur à discerner ce que présuppose à sa source, l'initiative grecque à laquelle la pensée occidentale se rapporte essentiellement. Sans doute est-ce pourquoi le grand penseur français avait pour ce texte parmi tous ceux dont il était l'auteur, le plus d'inclination :

 

"Il y a quelque temps me furent posées, à propos de Heidegger, douze questions par deux jeunes poètes, écrivait-il... Je reçus peu après de Heidegger une lettre amicale dans laquelle il me disait le goût qu'il avait eu à lire ces pages."

 

Peut-être aussi était-il heureux d'être parvenu, dans ses réponses, à cette clarté d'expression qui le distingue tout particulièrement : alerte, naturel, d'une grande densité, son style montre à chaque ligne, non moins que le penseur, l'écrivain encouragé quand il le fallut par René Char, qui sut au moment voulu l'écouter "interpréter l'être sous l'horizon du temps."

 

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Jean Beaufret et Martin Heidegger

 

 

I/ Qui étiez-vous, Jean Beaufret, avant de vous être senti orienté vers la pensée de Heidegger ?

 

II/ En quoi la mise en question de la métaphysique revient-elle pour Heidegger à faire du temps lui-même la question fondamentale ?

 

III/ Pourquoi Heidegger ne s'en est-il pas tenu à son projet initial en publiant la seconde partie de Sein und Zeit qu'il avait pourtant annoncée en 1927 ?

 

IV/ Mais pourquoi, d'un bout à l'autre de la pensée de Heidegger, ce retour aux Grecs ?

 

V/ Que voulez-vous dire quand vous écrivez qu'à sa façon et pour la première fois l'oeuvre de Heidegger répond à l'impatiente parole de Rimbaud : "Posséder la vérité dans une âme et dans un corps" ?

 

VI/ Un commentateur a dit que la pensée de Heidegger apparue sous le nazisme soulevait une question politique sans cesse reposée par l'actualité. Qu'en pensez-vous ?

 

VII/ Heidegger ne passe-t-il pas cependant pour l'ennemi du rationalisme ? Et n'interprète-t-il pas insolitement comme déclin la marche de l'Histoire ?

 

VIII/ Reste que dans notre monde, si anxieux de se définir une table des valeurs, Heidegger frapperait d'invalidité le concept même de valeur...

 

IX/ La Grèce antique a-t-elle à vos yeux un autre attrait que d'avoir été le lieu de naissance de la philosophie ?

 

X/ Pourquoi Heidegger s'est-il interrogé sur la poésie ? Quelle est l'originalité de sa recherche par rapport à la linguistique contemporaine ?

 

XI/ En quoi l'interrogation de Heidegger concernant la technique diffère-t-elle de celle de Marx ?

 

XII/ Quel rapport peut-il exister aujourd'hui entre la philosophie occidentale et la pensée orientale ?


 

Lettre de Martin Heidegger à Jean Beaufret (extrait):

 

"Toutes vos réponses apportent de la lumière. Mais j'aimerais particulièrement souligner la troisième et la quatrième, ainsi que la dixième et la onzième, parce que ce sont précisément ces réponses qui éveillent et promeuvent la question qu'elles posent à devenir plus questionnante. C'est ainsi que le renvoi au tournant dans la détermination de l'oubli de l'être et l'indication que c'est la même question qui porte aussi bien Zein und Zeit que la "topologie de l'Etre" ont une importance tout à fait propre.

 

Mais les réponses dix et onze au sujet de la poésie et de l'essence de la technique sont vraiment le coup de maître (Meisterstück) de tout. Je ne connais rien de comparable quant à la transparence et à la densité du dire.

 

Un risque pourtant demeure à l'occasion de telles réponses : que celui qui se borne à les parcourir en lecteur pressé en vienne à s'imaginer que le voilà du coup tout à fait au courant de la "philosophie" de Heidegger, tandis qu'au contraire  c'est alors seulement qu'il faut que commence la vraie question, à savoir celle du rapport entre elles de technique, langue, poésie et pensée.

 

L'empire croissant de la linguistique et de l'informatique menace les tentatives de la pensée et de la poésie dans leur grande tradition, d'être reléguées hors de l'horizon de l'homme, au point qu'elles ne restent plus que des îles inconnues. Comment et si à un tel destin il est possible un jour de faire face, je n'en sais rien. Ce n'est évidemment pas un motif pour s'abstenir le moins du monde de telles tentatives..."

 

Il faut tout au contraire et en toute endurance de pensée essayer de devenir un écho bien sûr éloigné de ce qui est dit dans la parole de Parménide. Ce n'est qu'ainsi que la présence de l'originel sera sauvé pour un regard de la pensée sur son propre chemin..."

 


 


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