Thérèse Desqueyroux est le chef-d’œuvre de Mauriac. Le roman obtient un succès immense à sa publication en 1926 dans la Revue de Paris et en 1927 en volume chez Grasset. L’histoire, tirée d’un fait divers, est celle de Thérèse, accusée d’avoir empoisonné en vain son mari. Le roman s’ouvre par le non-lieu prononcé par la justice en faveur de Thérèse. Sur la route du retour, elle prépare sa confession. À travers ce roman, Mauriac critique la bourgeoisie catholique et conservatrice dont il est issu et analyse les passions humaines.
L’avis au lecteur :
« Thérèse, beaucoup diront que tu n’existes pas. Mais je sais que tu existes, moi qui, depuis des années t’épie et souvent t’arrête au passage, te démasque. Adolescent, je me souviens d’avoir aperçu, dans une salle étouffante d’assises, livrée aux avocats moins féroces que les dames empanachées ta petite figure blanche et sans lèvres.
Plus tard, dans un salon de campagne, tu m’apparus sous les traits d’une jeune femme hagarde qu’irritaient les soins de ses vieilles parentes, d’un époux naïf : « Mais qu’a-t-elle donc ? disaient-ils. Pourtant nous la comblons de tout. » Depuis lors, que de fois ai-je admiré, sur ton front vaste et beau, ta main un peu trop grande ! Que de fois, à travers les barreaux vivants d’une famille, t’ai-je vue tourner en rond, à pas de louve ; et de ton oeil méchant et triste tu me dévisageais.
Beaucoup s’étonneront que j’aie pu imaginer une créature plus odieuse encore que tous mes autres héros. Saurai-je jamais rien dire des êtres ruisselants de vertu et qui ont le coeur sur la main ? Les « coeurs sur la main » n’ont pas d’histoire… mais le connais celle des coeurs enfouis et tout mêlés à un corps de boue.
J’aurais voulu que la douleur, Thérèse, te livre à Dieu ; et j’ai longtemps désiré que tu fusses digne du nom de sainte Locuste. Mais Plusieurs, qui pourtant croient à la chute et au rachat de nos âmes tourmentées, eussent crié au sacrilège. Du moins, sur ce trottoir où je t’abandonne, j’ai l’espérance que tu n’es pas seule. »
La citation de Charles Baudelaire, mise en exergue
« Seigneur, ayez pitié, ayez pitié des fous et des folles ! O Créateur ! peut-il exister des monstres aux yeux de celui-là seul qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits, et comment ils auraient pu ne pas se faire…. »
Thérèse Desqueyroux,
1. Chapitre I. Du début, jusqu'à "Mais malheureuse, trouve autre chose, trouve autre chose..."
2. Chapitre III : de "Bernard, Bernard, comment t'introduire dans ce monde confus, toi qui appartiens à la race des aveugles..." jusqu'à "elle se casait ; elle entrait dans un ordre. Elle se sauvait."
3. Chapitre XIII : de "Thérèse... Je voulais vous demander" jusqu'à "Parlez plus bas : le monsieur qui est devant nous s'est retourné."
Peut-on dire que ces textes sont réalistes ? (devoir d'élève) :
Ces trois extraits du roman au titre éponyme Thérèse Desqueyroux de François Mauriac, racontent l'histoire réelle d'une femme jugée. Ces textes sont réalistes car le décor décrit dans chacun des extraits est concret : "bord du champ", "la route".
Chaque scène se déroule dans une ville différente, mais réelle : Paris, Argelouse et Bordeaux.
Les actions simples et brèves renforcent ce réalisme : "ouvrit une porte".
Ces trois extraits forment une suite logique d'événements. La fuite vers la liberté de Thérèse dans le dernier chapitre est justifiée par les faits précédents.
L'illusion de réalité donnée par le décor, Les villes réelles servant de cadre à chaque péripétie importante de l'histoire et l'enchaînement compréhensible des faits et gestes de l'héroïne contribuent au réalisme de ces textes.
Thérèse Desqueyroux est-elle une héroïne féministe ? (devoir d'élève) :
Thérèse, se démarque du modèle de la femme imposé par la société dans les années 1930.
On peut qualifier Thérèse "d'héroïne féministe". En effet, on peut constater dans de nombreux passage, son désintérêt pour son mari, montrant son refus du mariage forcé. Thérèse se montre désireuse de se démarquer de la "femme au foyer" quand elle s'intéresse à la propriété des pins et qu'elle fume. Elle refuse la soumission de la femme au mari. Elle désire être libre et indépendante. Bien qu'elle ne milite pas pour les droits de la femme, Thérèse peut être qualifiée "d'héroïne féministe".
Commentaire composé (devoir d'élève) :
Sujet : Vous ferez le commentaire littéraire du texte du chapitre XIII de Thérèse Desqueyroux de François Mauriac qui commence à "Thérèse... je voulais vous demander" jusqu'à "Parlez plus bas : le monsieur qui est devant nous s'est retourné."
Vous expliquerez de quelle manières Mauriac met en valeur l'héroïne du roman dans ce texte.
Vous montrerez que Bernard reste à la fois le personnage rustre rencontré tout au long du roman, mais que lui aussi a évolué grâce à son histoire personnelle.
"François Mauriac, auteur de Thérèse Desqueyroux, titre éponyme, est un romancier du XXème siècle. Il obtint le Prix Nobel de Littérature en 1952.
Thérèse Desqueyroux est inspiré de l'histoire réelle d'Henriette Canaly, accusée d'avoir voulu empoisonner son mari Emile Canaly en 1905. Dans l'extrait étudié, dernier chapitre du roman, Bernard Desqueyroux, le mari de Thérèse, tente d'avoir une explication sur la tentative d'empoisonnement commis par son épouse sur sa personne.
Dans un premier temps, nous étudierons de quelles manières François Mauriac met en valeur l'héroïne du roman, puis nous montrerons que Bernard reste un rustre, mais
qu'il a aussi évolué grâce à son histoire personnelle.
Mauriac met en valeur l'héroïne de façon qu'elle devienne maîtresse de la situation. En effet, Bernard apparaît intimidé : "n'ayant jamais pu soutenir le regard de cette femme", ce qui montre la force de caractère de Thérèse. Cependant, l'héroïne fait preuve de calme : "sourit", "le fixa". Le narrateur souligne sa capacité de réflexion et d'auto-analyse grâce à la gradation : "nuit de recherche", "quête patiente", "effort pour remonter à la source de son acte", mettant en valeur son intelligence. De même, elle prévoit la question de Bernard : "une question, celle même qui fût d'abord venue à l'esprit de Thérèse". L'auteur suggère que Thérèse a eu de l'influence sur son mari à travers le champ lexical du doute : "interrogeait", "hésite", ce qui en a fait un "homme nouveau". Enfin, l'expression "presque maternel" : "Thérèse jeta sur cet homme nouveau un regard complaisant, presque maternel" change la situation femme-mari en situation mère-enfant, soulignant la supériorité de Thérèse.
Malgré cette apparence forte et invincible, Thérèse n'en reste pas moins humaine, éprouvant des sentiments divers. En effet, le narrateur met en valeur la profondeur psychologique de Thérèse et la variété de ses sentiments. Tout d'abord, elle éprouve un sentiment d'enlisement : "s'y jeter", "s'y débattre", "boue", "enlisement" lorsque Bernard l'interroge sur les mobiles de son acte. Elle cherche à échapper à ce sentiment d'enlisement en aspirant à la sainteté : "méditation", "recherche de Dieu", qui montre la volonté de Thérèse de mener une autre vie et d'obtenir le pardon, de sortir de cet "enlisement".
Cependant, l'héroïne apparaît d'une sincérité déconcertante lors de l'explication de son geste : "pour voir dans vos yeux une inquiétude, une curiosité", "tout ce que depuis une seconde j'y découvre", mettant en avant le désir de se faire comprendre et peut-être d'être pardonnée. Le champ lexical du combat souligne la difficulté de trouver une raison à son geste. Enfin nous pouvons remarquer la relation inégale entre Bernard et Thérèse. Thérèse comprend Bernard, mais Bernard ne comprend pas Thérèse.
Bien que Thérèse soit mise en valeur dans ce texte, Mauriac nous montre que Bernard, de nature rustre, a un peu évolué grâce à son histoire personnelle.
Bernard n'est pas à la hauteur de Thérèse. En effet, nous pouvons remarquer la moquerie dont il fait preuve à son égard lors de l'explication de sa tentative d'empoisonnement : "ricanait", "riait de son stupide rire..." De plus, l'asurance dont il fait preuve : "sûr de soi", "ne s'en laisse pas compter", renforce le fait qu'il ne la croit pas. Effectivement, Bernard demande six fois à Thérèse une explication plausible. Cette insistance montre son incompréhension. Nous pouvons nous demander si Bernard considère toujours Bernard comme sa femme. Cette remise en question de sa situation matrimoniale est renforcée par le mépris dont Bernard fait preuve envers Thérèse : "cette folle", "ces détraquées". Pour finir, Bernard accorde beaucoup d'importance aux convenances : "Parlez plus bas, le monsieur qui est devant nous s'est retourné.", ce qui souligne le caractère secondaire de l'explication du geste et donc de sa femme, par rapport à l'importance du regard des gens. On peut donc dire que Bernard se pose des questions, mais qu'il est resté fondamentalement le même homme qu'avant, qu'il n'a pas vraiment évolué.
François Mauriac a mis en valeur Thérèse et montré que Bernard a un peu évolué grâce à son histoire personnelle, mais qu'il est resté tout de même un personnage rustre ; il est simplement plus sceptique, un peu moins sûr de lui. Nous aurions pu espérer, à la faveur de cet échange entre Thérèse et Bernard, que cet homme ait plus de compassion pour sa femme et qu'ils trouveraient un terrain d'entente, mais notre attente est déçue. La vision de François Mauriac de la communication entre les êtres, notamment entre l'homme et la femme, demeure profondément pessimiste.