Sylvie Huguet, Un ami en trop (2012), La main multiple, coll. Signé Polar
Née en 1946, Sylvie Huguet a publié depuis 1983 près de cent cinquante nouvelles -- souvent d'inspiration fantastique -- dans une vingtaine de revues dont : Brèves, Nyx, Taille Réelle, Nouvelles Nouvelles, Nouvelle Donne, Solaris, Les Cahiers du Ru, Sol' Air, L'Encrier Renversé, Encres Vagabondes, Salmigondis, Rimbaud Revue. Sylvie Huguet fut membre du comité de lecture et de rédaction de la revue Encres Vagabondes.
Après le décès du commissaire Gilles Verneuil, Olivier, son ami professeur et écrivain a décidé de faire revivre une de ses enquêtes à laquelle il a été mêlé...
Alors que les deux hommes passent quelques jours, à la fin de l'été, dans une petite station de ski des Pyrénées, à l'écart des touristes, Gilles s'amuse à parcourir les gros titres de la presse : "Un étudiant de prépa. s'est suicidé. Un sujet brillant, qui semble n'avoir pas supporté l'échec... Une balle dans la tête..."
" - Olivier, je crois que mon fils devait le connaître : ils étaient dans le même lycée."
Gilles reçoit le lendemain un message de son service. L'affaire est peut-être plus compliquée qu'elle ne paraît : la soeur de l'étudiant est persuadée qu'il ne s'est pas suicidé...
Le commissaire doit interrompre son séjour et retourner à Paris pour mener l'enquête...
Dans cette suite "dostoïevskienne" au Cauchemar de Montaigne (on ne peut s'empêcher de penser à Crime et Châtiment et aux Possédés), l'innocence la plus cristalline côtoie la noirceur la plus trouble.
Extraits :
" - J'aime quand tu revendiques ton inculture. Avec ta coiffure en brosse, ça te donne un air de brute aryenne qui fait la moitié de ton charme, fit le jeune homme aux cheveux longs avec un sourire enveloppant.
L'autre répliqua avec brusquerie :
- Ne me regarde pas de cette manière-là !
Je te regarde comment ?
Tu le sais parfaitement bien, et tu sais aussi que j'ai horreur de ça.
- Il faudra pourtant que tu t'habitues.
- Plus tard. Nous n'en sommes pas encore là..." (p. 19)
"Une mallette à la main, le garçon marchait dans la rue presque déserte à cette heure, le cœur encore plus rapide que le rythme de ses pas. Malgré sa prudence et ses calculs, un mauvais hasard était toujours possible : si, contrairement à toutes ses habitudes, l'autre ne dormait pas encore, le plan tournerait court et il aurait peine à justifier son accoutrement, sinon sa présence. Il arriva à la hauteur de l'impasse, s'enfonça dans ce puits d'ombre paisible qu'éclairaient des réverbères pâles. L'hôtel de dressait devant lui. A la grille, il enfila des gants de latex et composa le code ; elle s'ouvrit en grinçant à peine, et il pénétra dans la cour..." (p. 49)
"Le temps nous fut favorable, soleil vif et ciel d'azur éclatant que l'ombre violette fonçait avec le soir. Nous avions loué des raquettes pour pénétrer au coeur de paysages enfouis sous les ondulations d'une poudreuse vierge de pas autres que les nôtres, entre les sapins chargés d'un poids éblouissant, dans un silence feutré où, come une goutte tombant sur une eau pure, perlait parfois le cri d'un oiseau. Ce silence, cette pureté, l'effort intense qu'exigeait ce type de marche, nous vidaient l'esprit pour n'y laisser subsister que la vision de cette immobilité blanche, où notre conscience s'absorbait. Les chiens, dont la neige réveillait l'atavisme, y creusaient leur voie en enfonçant jusqu'au poitrail avec une allégresse farouche dont l'éclat ponctuait notre recueillement. Nous découvrions des sites ensauvagés par l'hiver, qui en banissaient toute présence humaine. Je me rappelle une cascade (c'est Olivier qui parle), d'accès facile en été, au pied de laquelle nous parvînmes à grand-peine pour la trouver entièrement figée par la glace ; de son jaillissement, de ses rebonds, de son bruissement profond comme celui de la mer, restait une architecture de cristal étincelante, pétrifiée par l'enchantement d'un froid magique, que la lumière traversait de changeants arcs-en-ciel. Nous rentrions peu avant cinq heures, lorsque l'horizon s'assombrissait, pour déguster un vin chaud aux épices devant le feu qui rougeoyait dans la cheminée..." (p. 106)
Bibliographie:
- Le rêveur de jaguar (nouvelles, Fer de chances, 1999).
- Le printemps des loups (roman, Fer de Chances, 2002).
- Les griffes de Shéhérazade (nouvelles, Editinter, 2004).
- Le démon aux digitales (roman, La Main Multiple, 2005).
- La mosaïque du fou (nouvelles, D'un Noir si Bleu, 2006).
- Le passage (nouvelles, La Clef d'Argent, 2008).
- La vraie nature du croquemitaine (nouvelles, Le Bruit des autres, 2009).
- Le dernier roi des elfes (roman, La Clef d'Argent, 2010).
- Le cauchemar de Montaigne (roman, La Main Multiple, 2011).