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Fernand Deligny et Renaud Victor, Ce gamin, là

Ce gamin-là, un documentaire de Ferdinand Deligny et Renaud Victor, 1975

A quoi se fier quand il fait défaut, le langage.

"Parler. Parler comme si c'était tout naturel. En parler de ce gamin, là et des autres qui lui ressemblent alors que nous avons tout fait pour nous en passer du langage, de ce fameux langage qui nous fait ce que nous sommes et maintenant il faut lui rendre des comptes. Mutique ce gamin, là. Alors à quoi se fier lorsqu'il fait défaut le langage..."

"Ce film est un montage d’archives de « la tentative Deligny », dans les Cévennes, juste avant les années 70. Elle ne se voulait ni éducative, ni thérapeutique, mais simplement l’expérience d’un vivre ensemble, comme on dirait maintenant. Un groupe d’adultes fait un « retour à la terre » avec des enfants autistes déclarés « intraitables ».

Les « expérimentateurs » de Monoblet ont fait un pari : « Et si au lieu de leur apprendre à parler, nous apprenions à nous taire ? » Ils n’utilisent ni la voix humaine ni le regard. Il n’y a jamais d’adresse directe. Ils sont là présents, sans prégnance, à côté, ne s’occupent pas précisément des enfants, tout affairés qu’ils sont aux tâches multiples et répétitives de cette vie rustique… La seule présence des corps : « Un coutumier suffisamment réel pour surprendre » disait F. Deligny.

Le soir, cependant, après l’activité intense de la journée, ces adultes « émus, intrigués […] de chair, d’os […] et de langage » dessinent, réfléchissent. Si leurs hypothèses et leurs visées peuvent être discutées, en tout cas, ils parlent. Ils parlent des enfants. Ceux-ci sont pris dans le bain de langage de personnes désirantes qui réécrivent leur parcours, leur histoire. Ils ordonnancent le temps et l’espace. Ils inventent au jour le jour, en suivant le chemin des solutions que le garçon a lui-même tentées… Ils réussissent à se proposer comme partenaires, « Nebenmensh » pourrait-on dire selon le mot de Freud ?

Nebenmesch, c'est la personne qui entend de façon adéquate l'appel de l'enfant (la mère bien sûr, mais, au-delà de celle-ci, toute personne exerçant cette fonction) ; il ne doit pas être trop proche : il attend l'autre le temps qu'il faut. Il étaie mais, surtout, il est l'interlocuteur qui accompagne l'infans, celui qui ne sait pas encore parler, dans son acquisition de la parole, du langage et de la compétence intersubjective. "Nebenmensch" : la rencontre entre d'un côté l'infans en état de désaide et de détresse (Hilflosigkeit) et de l'autre côté le Nebenmensch, "l'être humain proche" est tout sauf simple ; elle inclut d'emblée la dimension de la terceité : telle est la découverte faite par Freud en 1895. (François Richard, Le paradigme du Nebenmensch et la fonction maternelle, in Revue française de psychanalyse)

On trouve là de nombreux axes du travail, différent de celui de la cure-type, que des psychanalystes mènent auprès d’enfants autistes. Ces enfants, que tous croyaient inaccessibles et incapables, se laissent prendre par la main. Ils pétrissent le pain, ramènent l’eau de la source, suivent les chèvres, aident à scier du bois… Ils régulent, ils canalisent les débordements. L’effet thérapeutique est de surcroît comme, selon Jacques Lacan, la guérison dans la cure analytique. On constate un apaisement évident, que le spectateur partage. On est profondément troublé par les regards-caméra de « ce gamin-là ». (d'après Annie Smadja, site La Cause de l'autisme)

Fernand Deligny

Né le 7 novembre 1913 à Bergues (Nord) et mort le 18 septembre 1996 à Monoblet (Gard), est un éducateur français, une des références majeures de l'éducation spécialisée. L’histoire n’a pas encore décidé si elle retiendrait F. Deligny comme écrivain, cinéaste, éducateur ou antipsychiatre. Il a commencé à travailler avec des enfants à problèmes « sociaux ». Il a écrit alors quelques livres qui font encore parler d'eux aujourd'hui : Graine de crapule, Les vagabonds efficaces. Dans les années 1960, il a travaillé à la Clinique de La Borde et c'est de là qu'il est parti pour les Cévennes à Monoblet, vivre avec des jeunes autistes. C'est auprès d'eux qu'il commence à parler des lignes d'erre, ces circulations de ces jeunes dans leur espace de vie et des chevêtres, ces nœuds par lesquels passent sans cesse les autistes. Il a collaboré, notamment avec le centre créé par Maud Mannoni à Bonneuil.

Fernand Deligny et Maud Mannoni, par leurs démarches initiatrices des premiers Lieux de vie, vont devenir des références emblématiques pour l'ensemble du mouvement des Lieux de Vie et d'Accueil.

Il est l'auteur de nombreux livres et a fait l'objet de plusieurs films (notamment Le moindre geste dont il est coréalisateur avec Josée Manenti). Il a été très influencé par le psychologue Henri Wallon.

Fernand Deligny a été lu de près, en dehors du milieu éducatif, notamment par Gilles Deleuze. (sources : babelio et wikipedia)


 

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