Selma Lagerlöf, Le Livre de Noël

Selma Lagerlöf, Le Livre de Noël, récits traduits du suédois par Marc de Gouvernain et Lena Grumbach, Actes Sud, 1994

Table : "Le livre de Noël" - "Légende de la fête de la Sainte-Luce" - "La princesse de Babylone" - "Le piège à rats" - "A Nazareth" - "Le rouge-gorge" - "Le crâne" - "La nuit de Nouvel An des animaux" - Note des traducteurs

Née à Marbacka (Suède) le 20 novembre 1858 et décédée dans la même ville le 16 mars 1940 Selma Ottilia Lovisa Lagerlöf est une écrivaine suédoise. Institutrice à l'école de filles de Landskrona, Selma utilise pour la première fois ses talents de conteuse en 1885, devant les petites écolières de cette commune de Scanie. A partir de 1895, Selma abandonne l’enseignement et écrit de plus en plus. La saga de Gösta Berling est bientôt publiée, et rencontre très vite un large succès. De 1895 à 1901, soit pendant six ans, Selma entreprend de longs voyages en Orient avec sa mère ; on retient de cette époque, les deux volumes sur Jérusalem en Dalecarlie, et Jérusalem en Galilée, et ses Légendes du Christ. Elle a reçu le prix Nobel en 1909 et fut la première femme à siéger à l'Académie suédoise en 1914. Son roman pacifiste Le banni est publié en 1918. Elle a écrit de nombreuses œuvres mais la plus connue est Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède.   Les années passent, Selma vieillit et se consacre de plus en plus à la poésie et au théâtre. Vers la fin de sa vie, elle se remet tout de même au roman : elle en écrit deux, Charlotte Lowensköld et Anna Siârd, qui achève la trilogie des Lowensköld. La seconde guerre mondiale emporte Selma en 1940. 

Quatrième de couverture 

"Dans ce recueil de récits, l'auteur du Merveilleux voyage de Nils Holgersson (réédité en version intégrale chez Acte Sud en 1990) nous fait - entre autres -  découvrir la légende de sainte Lucie, comprendre par quel mystère le rouge-gorge devint rouge, assister au Nouvel An des animaux... Bref, un petit volume qui a le charme et la magie de Noël - un de ces livres sans lesquels la fête ne serait pas complète !"

Le Livre de Noël 

"... Car il me faut expliquer comment les choses se passent à Marbacka le soir du réveillon. On a le droit de tirer une petite table au chevet de son lit et d'y poser une bougie, et puis l'on a le droit de lire aussi longtemps qu'on le désire. Et cela constitue le plus grand des plaisirs de Noël. Rien ne peut surpasser le bonheur de se trouver là, avec dans les mains un livre plaisant reçu en cadeau de Noël, un livre que l'on n'avait jamais vu auparavant et que personne d'autre dans cette maison ne connaît non plus, et de savoir que l'on pourra en lire les pages l'une après l'autre, pour autant que l'on sache rester éveillé. Mais que faire durant la nuit de Noël si l'on n'a pas reçu de livre ?..."

Légende de la Fête de la Sainte-Luce 

"Il y a plusieurs siècles de cela, vivait dans le sud du Värmland une vieille femme riche et avare nommée dame Rangela. Elle possédait un château fort ou, devrait-on dire plutôt, une ferme fortifiée, dressée sur une presqu'île que forme, profondément à l'intérieur des terres, une mince langue du lac Värnern. Elle avait fait construire là un pont que l'on pouvait relever tout comme un pont-levis au-dessus des douves du château. devant ce pont, dame Rangela entretenait une forte troupe de gardes chargés d'abaisser le pont pour les voyageurs s'étant acquittés du droit de passage qu'elle exigeait, mais qui le relevaient devant ceux qui, en raison de leur pauvreté ou pour une autre raison, refusaient de payer..."

La Princesse de Babylone : 

"C'était par une sombre soirée d'hiver, dans la petite chaumière de Skrolycka. Kattrina, la maîtresse de maison, était occupée à filer et le chat, sur ses genoux, ronronnait de doux écheveaux à sa manière. Le mari, Jan Andersson, assis près de la cheminée, se chauffait le dos à la chaleur du feu. Toute la journée, il avait coupé du bois dans la forêt d'Erik de Falla, et maintenant qu'il était rentré, plus personne n'aurait pu lui demander de faire le moindre travail. Kattrina elle-même n'avait rien contre le fait de le voir n'employer son temps qu'à jouer et causer avec leur petite fille, qui allait fêter ses cinq ans cet hiver..."

Le piège à rats

"Il était une fois un homme qui parcourait le pays pour vendre de petits pièges à rats en fil de fer. Il les confectionnait lui-même à ses moments perdus et se procurait le matériel en quémandant auprès des commerçants ou dans les grandes fermes. Cela dit, son commerce était loin d'être lucratif et, pour subsister, il était obligé d'avoir recours à la mendicité ainsi qu'à de petits larcins. Ses vêtements n'étaient que loques flottant sur son corps, ses joues étaient creuses et la faim brillait dans ses yeux..."

A Nazareth 

"Un jour, du temps où Jésus n'avait que cinq ans, il était assis sur une marche du seuil de l'atelier de son père à Nazareth, occupé à fabriquer de petits rossignols en terre, à partir d'une boule de terre glaise que le potier d'en face lui avait donnée. Le bonheur de Jésus était immense car tous les enfants du quartier lui avaient parlé du potier comme d'un homme peu serviable, qui ne se laissait amadouer ni par les yeux doux ni par les belles paroles enrobées de miel, et jamais il n'avait osé demander quoi que ce soit. Mais maintenant il se trouvait là, sachant à peine comment les choses s'étaient passées ! Il était simplement resté assis là, sur sa marche, à regarder attentivement le voisin affairé sur ses moules, et puis celui-ci était sorti, et lui avait donné suffisamment d'argile pour confectionner une cruche à vin..."

Le rouge-gorge

"Notre Seigneur, doux et magnanime, passa toute la journée à créer et faire apparaître et, vers le soir, il eut l'idée de créer un petit oiseau gris.

- Souviens-toi que ton nom est rouge-gorge! dit Notre-Seigneur à l'oiseau lorsqu'il eut terminé.

Et après l'avoir déposé dans sa main ouverte, il le laissa s'envoler.

Mais lorsque l'oiseau eut volé un moment et contemplé la belle terre sur laquelle il allait vivre, l'envie le prit de se contempler lui-même. Il découvrit alors qu'il était tout gris et que sa gorge était tout aussi grise que le reste. Rouge-Gorge se tourna et se retourna et se mira dans l'eau mais il n'arriva pas à se découvrir une seule plume rouge.

Alors l'oiseau retourna auprès de Notre-Seigneur..."

Le crâne

"Il était une fois dans la commune de Svatsjö, dans la province du Värmland, un homme qui, le jour du réveillon de Noël, fit une tournée de ses amis pour les inviter à partager le repas du soir, mais ne trouva personne qui voulût quitter sa maison. Il parcourut ainsi un bon bout de chemin mais finalement, quand la nuit commença à tomber sans qu'il eût réussi à attirer un seul hôte, il comprit qu'il n'avait plus qu'à retourner chez lui avec son dépit..."

La nuit de Nouvel An des animaux

"Il y a de cela plusieurs siècles, il advint qu'un prêtre d'ici, de Delsbo, chevauchait encore en plein milieu de l'épaisse forêt par une nuit de Nouvel An. Il était vêtu d'un manteau de fourrure et d'un bonnet de peau et, dans un sac posé sur le pommeau de sa selle, il avait rangé le calice, les instruments de son sacerdoce et son étole. On l'avait fait venir de loin pour visiter un malade et il était resté pour parler avec lui jusque fort tard. Maintenant, il entamait enfin le chemin du retour mais il ne prévoyait d'être revenu au presbytère que longtemps après minuit..."