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Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe
Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe

Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Editions du Seuil, 2005

Sommaire : Avant-propos - 1. L'intelligence aveugle : la prise de conscience - Le problème de l'organisation de la connaissance - La pathologie du savoir, l'intelligence aveugle - La nécessité de la pensée complexe. 2. Le dessin et le dessein complexes : L'indamérique - la théorie systémique - le système ouvert - Information/Organisation - L'organisation - L'auto-organisation - La complexité - Le sujet et l'objet - Cohérence et ouverture épistémologique - Scienza nuova - Pour l'unité de la science - L'intégration des réalités expulsées par la science classique - Le dépassement d'alternatives classiques - Le tournant paradigmatique. 3. Le paradigme de complexité : Le paradigme de simplicité - Ordre et désordre dans l'univers - Auto-organisation - Autonomie - Complexité et complétude - Raison, rationalité, rationalisation - Nécessité des macro-concepts - Trois principes - Le tout est dans la partie qui est dans le tout - Vers la complexité. 4. La complexité et l'action : l'action est aussi un pari - L'action échappe à nos intentions - La machine non triviale - Se préparer à l'inattendu. 5. La complexité et l'entreprise : Trois causalités - De l'auto-organisation à l'auto-éco-organisation - Vivre et traiter avec le désordre - La stratégie, le programme, l'organisation - Des rapports complémentaires et antagonistes - Il faut des solidarités vécues - 6. Epistémologie de la complexité : les malentendus - Parler de la science - approches de la complexité - le développement de la science - Bruit et information - Information et connaissance - Paradigme et idéologie - Science et philosophie - Science et société - Science et psychologie - Compétences et limites - Un auteur non caché - La migration des concepts - la raison.

L'auteur :

Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, né le 8 juillet 1921 à Paris, est un sociologue et philosophe français. À partir des années 1950, il occupe une place en vue dans la sociologie française. Penseur de la complexité, il définit sa façon de penser comme "constructiviste" en précisant : "c’est-à-dire que je parle de la collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité."

L'œuvre : 

"Nous demandons à la pensée qu'elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu'elle mette de l'ordre et de la clarté dans le réel, qu'elle révèle les lois qui le gouverne. Le mot de complexité, lui, ne peut qu'exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité à définir de façon simple, à nommer de façon claire, à ordonner nos idées. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation : est complexe ce qui ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se ramener à une loi ni se réduire à une idée simple. La complexité est un mot problème et non un mot solution. Edgar Morin propose ici un mode de pensée pour affronter la complexité du monde qui nous entoure." 

Préface 

" Nous demandons légitimement à la pensée qu'elle dissipe les brouillards et les obscurités, qu'elle mette de l'ordre et de la clarté dans la réel, qu'elle révèle les lois qui le gouverne. Le mot de complexité, lui, ne peut qu'exprimer notre embarras, notre confusion, notre incapacité de définir de façon simple, de nommer de façon claire, de mettre de l'ordre dans nos idées.

Aussi la connaissance scientifique fut longtemps et demeure encore souvent conçue comme ayant pour mission de dissiper l'apparente complexité des phénomènes afin de révéler l'ordre simple auquel ils obéissent.

Mais s'il apparaît que les modes simplificateurs de connaissance mutilent plus qu'ils n'expriment les réalités ou les phénomènes dont ils rendent compte, s'il devient évident qu'ils produisent plus d'aveuglement que d'élucidation, alors surgit le problème : comment envisager la complexité de façon non- simplifiante ? Ce problème toutefois ne peut immédiatement s'imposer. Il doit prouver sa légitimer, car le mot de complexité n'a pas derrière lui un noble héritage philosophique, scientifique ou épistémologique.

Il subit au contraire une lourde tare sémantique, puisqu'il porte en son sein confusion, incertitude, désordre. Sa définition première ne peut fournir aucune élucidation : est complexe ne peut se résumer en un maître mot, ce qui ne peut se réduire à une idée simple. Autrement dit, le complexe ne peut se résumer dans le mot de complexité. La complexité ne saurait être quelque chose qui se définirait de façon simple et prendrait la place de la simplicité. La complexité est un mot problème et non une solution.

La nécessité de la pensée complexe ne saurait être justifiée dans un avant-propos. Une telle nécessité ne peut s'imposer que progressivement au cours d'un cheminement où apparaît tout d'abord, les insuffisances et les carences de la pensée simplifiante, puis les conditions dans lesquelles nous ne pouvons éluder le défi du complexe. Il faudra ensuite se demander s'il y a des complexités différentes les unes des autres et si l'on peut lier ensemble ces complexités en un complexe de complexes. Il faudra enfin voir s'il est un mode de pensée, ou une méthode capable de relever le défi de la complexité. Il ne s'agira pas de reprendre l'ambition de la pensée simple qui était de contrôler et de maîtriser le réel. Il s'agit de s'exercer à une pensée capable de traiter avec le réel, de dialoguer avec lui, de négocier avec lui.

Il faudra dissiper deux illusions qui détournent les esprits du problème de la pensée complexe. 

La première est de croire que la complexité conduit à l'élimination de la simplicité. La complexité apparaît certes là où la pensée simplifiante défaille, mais elle intègre en elle tout ce qui met de l'ordre, de la clarté, de la distinction, de la précision dans la connaissance. Alors que la pensée simplifiante désintègre la complexité du réel, la pensée complexe intègre le plus possible les modes simplifiants de penser, mais refuse les conséquences unidimensionnelles et finalement aveuglantes d'une simplification qui se prend pour le reflet de ce qu'il y a de réel dans la réalité.

La seconde illusion est de confondre complexité et complétude. Certes, l'ambition de la pensée complexe est de rendre compte des articulations entre des domaines disciplinaires qui sont brisés par la pensée disjonctive (qui est un des aspects majeurs de la pensée simplifiante) ; celle-ci isole ce qu'elle sépare, et occulte tout ce qu'elle relie, interagit, interfère. Dans ce sens la pensée complexe aspire à la connaissance multidimensionnelle. Mais elle sait au départ que la connaissance complète est impossible : un des axiomes de la complexité est l'impossibilité, même en théorie, d'une omniscience. Elle fait sienne la parole d'Adorno "la totalité est la non-vérité". Elle comporte la reconnaissance d'un principe d'incertitude et d'incertitude. Mais elle porte aussi en son principe la reconnaissance des liens entre les entités que notre pensée doit nécessairement distinguer, mais non isoler les unes des autres. Pascal avait justement posé que toutes choses sont "causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et que toutes (s'entretiennent) par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes". Aussi la pensée complexe est animée par une tension permanente entre l'aspiration à un savoir non parcellaire, non cloisonné, non réducteur, et la reconnaissance de l'inachèvement et de l'incomplétude de toute connaissance.

Cette tension a animé toute ma vie.

Toute ma vie, je n'ai jamais pu me résigner au savoir parcellisé, je n'ai jamais pu isoler un objet d'étude de son contexte, de ses antécédents, de son devenir. J'ai toujours aspiré à une pensée multidimensionnelle. Je n'ai jamais pu éliminer la contradiction intérieure. J'ai toujours senti que des vérités profondes, antagonistes les unes des autres, étaient pour moi complémentaires, sans cesser d'être antagonistes. Je n'ai jamais voulu réduire de force l'incertitude et l'ambigüité.

Dès mes premiers livres, je me suis affronté à la complexité, qui est devenue le dénominateur commun à tant de travaux divers qui ont semblé à beaucoup dispersés. Mais le mot même de complexité ne me venait pas à l'esprit, il a fallu qu'il m'arrive, vers la fin des années 1960, véhiculé par la théorie de l'information, la cybernétique, la théorie des systèmes, le concept de l'auto-organisation, pour qu'il émerge sous ma plume, ou plutôt sur mon clavier. Il s'est alors dégagé du sens banal (complication, confusion) pour lier en lui l'ordre, le désordre et l'organisation, et, au sein de l'organisation, l'un et le divers ; ces notions ont travaillé les unes avec les autres, de façon à la fois complémentaire et antagoniste ; elles se sont mises en interaction et en constellation. Le concept de complexité s'est formé, il a grandi, étendu ses ramifications, il est passé de la périphérie au centre de mon propos, il est devenu macro-concept, lieu crucial d'interrogations, liant désormais en lui le nœud gordien du problème des relations entre l'empirique, le logique et le rationnel. Ce processus coïncide avec la gestation de La méthode, qui commence en 1970 ; l'organisation complexe, et même hyper-complexe est ouvertement au cœur organisateur de mon livre Le paradigme perdu (1973). Le problème logique de la complexité est l'objet d'un article publié en 1974 (Au-delà de la complication, la complexité, repris dans la première édition de Science avec conscience). La Méthode est et sera en fait la méthode de la complexité.

Ce livre, constitué par un remembrement de textes divers, est une introduction à la problématique de la complexité. Si la complexité est non pas la clé du monde, mais le défi à affronter, la pensée complexe est non pas ce qui évite ou supprime le défi, mais qui aide à le relever, et parfois même à le surmonter." (Edgar Morin)

 

 

 

 

 

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