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E.M. Cioran, Des larmes et des saints
E.M. Cioran, Des larmes et des saints

E.M. Cioran, Des larmes et des saints (Lacrimi si Sinti), Texte traduit et préfacé par Sandra Stolojan, Méandres L'HERNE, 1986

"Cet ouvrage, écrit à 25 ans en Roumanie, a été entièrement remanié par Cioran lui-même en 1987, pour la traduction de Stolojan. Dans cette langue qui a fait de lui ce qu’il est, par l’effet de freinage et de contrôle imposé à ses excès, à ses violences et à ses éclats, Cioran prévoit le jour où il regrettera, où il aura honte, d’avoir tant aimé les saintes et "la mystique, cette sensualité transcendante " (L'Herne)

Emil Cioran est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949. Il fait des études de philosophie à l’Université de Bucarest dès l’âge de 17 ans. Ses premiers travaux concernent Kant, Schopenhauer et, particulièrement, Nietzsche. Il obtient sa licence en 1932, après avoir terminé une thèse sur Bergson, dont Cioran rejette plus tard la philosophie, qu'il juge n’avoir pas compris la tragédie de la vie. En 1933, il va à l'Université de Berlin. À 22 ans, il publie Sur les cimes du désespoir, son premier ouvrage, avec lequel il inscrit, malgré son jeune âge, son nom au panthéon des grands écrivains roumains. Après deux années de formation à Berlin, il rentre en Roumanie, où il devient professeur de philosophie au lycée Andrei Şaguna de Braşov pendant l'année scolaire 1936-1937. Dans son pays d'origine, Cioran côtoie brièvement, en compagnie de Mircea Eliade, des membres du mouvement fasciste et antisémite de la Garde de fer. En 1936 Cioran publie La Transfiguration de la Roumanie où il développe une pensée passablement xénophobe et antisémite. Bien plus tard, Cioran biffe les passages les plus antisémites pour l'édition française. En 1937, son troisième ouvrage, Des larmes et des saints, fait scandale dans son pays. Cioran s'installe alors à Paris pendant l'occupation, grâce à une bourse, afin d'y terminer sa thèse sur le philosophe Bergson. Il abandonne alors toute idéologie pour se consacrer à l'écriture. Les communistes qui ont pris le pouvoir en Roumanie après la Seconde Guerre mondiale ayant interdit ses livres, il reste à Paris jusqu'à la fin de son existence, vivant assez pauvrement, rédigeant dorénavant ses ouvrages en français, tout en traduisant par ailleurs les poèmes de Stéphane Mallarmé en roumain. Cioran refuse tous les prix littéraires (Sainte-Beuve, Combat, Nimier, Morand, etc.) à l'exception du prix Rivarol en 1949, acceptation qu'il justifie par un besoin financier. En 1973, Cioran publie son œuvre la plus marquante : De l'inconvénient d'être né, et en 1987, son ultime ouvrage, Aveux et anathèmes. Il a parfois signé sous le nom de "E. M. Cioran" pour le nom de plume "Emil Michel Cioran". 

A propos de l'oeuvre :

" Ce qui me sépare de la vie et de tout, c'est le soupçon épouvantable que Dieu pourrait être un problème de deuxième ordre ! "

Des larmes et des saints, écrit à vingt-cinq ans en Roumanie, a été entièrement remaniée par Cioran lui-même en 1987, pour la traduction de Sanda Stolojan dans cette langue qui a fait de lui ce qu'il est, par l'effet de freinage et de contrôle imposé à ses excès, à ses violences et à ses éclats.

"Il y a chez tout auteur, écrit Sanda Stolojan, une image clé, qui répond à une obsession profonde et révélatrice". Telle est l'image des larmes et de leur corollaire, les pleurs, tout au long de l’œuvre de Cioran...

Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre." (source : babelio)

Extrait de la préface : 

"Paru en 1937, année où il arriva à Paris Larmes et saints (Lacrimi si Sfinti) était encore tout imprégné de ce "philosopher poétiquement" qu'il prônait dans Sur les cimes du désespoir. On y trouve sa passion pour les mystiques, les saintes et la musique, dont il se souviendra dans Précis de décomposition (...) Dans ces essais pleins d'effusions, de retournements, d'imprécations bien cioraniennes, il faisait une curieuse hypothèse. Il entrevoyait ce qu'il appelait "une herméneutique des larmes qui tenterait de découvrir leurs sources et toutes leurs interprétations possibles... le but d'une telle herméneutique étant de nous guider dans l'espace qui sépare l'extase de la malédiction".

Il y a chez tout auteur une image clé, qui répond à une obsession profonde et révélatrice. Telle est l'image des larmes et de leur corollaire, les pleurs, tout au long de l'oeuvre de Cioran. cette curieuse fascination le poursuit même lorsque plus rien ne le rattache à cette époquie, ni à ceux qui "avaient enchanté sa jeunesse", et l'on pense tout d'abord à Nietzsche. devenu plus tard "expert en déchéances", il gardera des nostalgies métaphysiques violentes et l'image des larmes surgira au détour d'une réflexion, montée à la surface de la conscience comme un constant rappel. Ensuite les larmes se cristalliseront, au fur et à mesure, débarrassées des connotations de sa jeunesse lyrique. Dans Larmes et Saints, il prévoit le jour où il regrettera, où il aura honte, d'avoir tant aimé les saintes et "la mystique, cette sensualité transcendante". Il se séparera des saintes et de leurs effusions, mais l'adieu au lyrisme n'effacera pas en lui la pensée et l'image qui l'obsèdent... (p.15-17)

Citations :

"Ce n'est pas la connaissance qui nous rapproche des saints, mais le réveil des larmes qui dorment au plus profond de nous-mêmes. Alors seulement, à travers elles, nous accédons à la connaissance et nous comprenons comment on peut devenir saint après avoir été un homme." (p.31)

"Au jugement dernier, on ne pèsera que les larmes." (p.34)

"Je ne peux faire de différence entre les larmes et la musique." (Nietzsche) Celui qui ne saisit pas cela instantanément n'a jamais vécu dans l'intimité de la musique. Toute vraie musique est issue des pleurs, étant née du regret du paradis." (p.36)

"Impossible de se faire une idée précise au sujet des saints. Ils représentent un absolu auquel il ne fait pas bon s'attacher, mais qu'il ne sied pas non plus de refuser. Toute attitude nous condamne. En prenant le parti des saints, notre vie est perdue, en nous insurgeant contre eux, nous nous brouillons avec l'absolu. Nous aurions été tellement plus libres, malgré tout, s'ils n'avaient jamais existé ! Que de doutes en moins ! Qu'est-ce qui a bien pu les jeter en travers de notre chemin ? Il serait vain de vouloir oublier la Souffrance." (p.40)

"Toute forme d'extase supplante la sexualité, qui n'aurait aucun sens sans la médiocrité des créatures. Mais comme celles-ci n'ont guère d'autre moyen de sortir d'elles-mêmes, la sexualité les sauve provisoirement. L'acte en question dépasse sa signification élémentaire - il est un triomphe sur l'animalité, la sexualité étant au niveau physiologique, la seule porte ouverte sur le ciel." (p.41)

"Seuls le paradis ou la mer pourraient me dispenser du recours à la musique." (p.42)

"La limite de chaque douleur est une douleur plus grande." (p.43)

 

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