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L'Eau et les rêves, Gaston Bachelard | Livre de Poche
DEB | Gaston Bachelard parmi nous... - Paperblog
 
Gaston Bachelard, L'intuition de l'instant, Le Livre de Poche/biblio essais/Editions Stock. Première parution : 1931
 
Gaston Bachelard naît le 27 juin 1884 à Bar-sur-Aube où ses parents tiennent une boutique de tabac-journaux. Il passe ses premières années dans cette ville. En 1903, en possession de son baccalauréat, il entre dans l'administration des Postes à laquelle il sera attaché jusqu'en 1913. En disponibilité pour raison d'étude, il prépare dès cette date le concours d'élève ingénieurs des Télégraphes et achève parallèlement sa licence de mathématiques. Mais Bachelard ne sera pas ingénieur ; après la guerre, en 1919, sa vie prend un tournant : il entre dans l'enseignement secondaire, comme professeur de sciences au collège de sa ville natale. Agrégé de philosophie en 1922, il obtient de demeurer à Bar-sur-Aube comme professeur de sciences et de philosophie. En 1927, il soutient ses deux thèses : Essai sur la connaissance approchée et Etude sur l'évolution d'un problème de physique, La propagation thermique dans les solides. Ces deux ouvrages constituent le prélude de nombreuses publications dont les plus connues sont les études consacrées à l'imagination au contact des éléments naturels. La faculté des Lettres de Dijon fait appel à lui en 1930, puis la Sorbonne en 1940. Il meurt à Paris, le 16 octobre 1962.
 
Table : Introduction - Chapitre premier. L'instant - Chapitre II. Le problème de l'habitude et le temps discontinu - Chapitre III. L'idée du progrès et l'intuition du temps discontinu - Conclusion - Annexe. Instant poétique et instant métaphysique - Introduction à la poétique de Bachelard par Jean Lescure - Biographie - Bibliographie.
 
Le temps se confond-il avec la durée, comme l'affirme Bergson dans L'Evolution créatrice ou bien est-il une succession discontinue d'instants, comme l'explique de son côté Gaston Roupnel dans Siloë ? Les deux points de vue sont-ils conciliables ? Gaston Bachelard estime que non. Entre la conception d'Henri Bergson et celle de Gaston Roupnel, il n'y a pas de conciliation éclectique possible. Il faut choisir. 
 
Note : "En réponse à une question de Bergson, Einstein expliqua un beau jour de 1922 : "Il n'y a pas un temps des philosophes ; il y a un temps psychologique différent du temps des physiciens." (Compte-rendu de la séance du 6 avril 1922 de la Société française de philosophie (La pensée, n°210, févier-mars 1980, p.22) - Cité par Etienne Klein dans les Tactiques de Chronos, p.181)
 
"Prenons donc la thèse dans toute sa netteté. L'intuition temporelle de M. Roupnel affirme :
 
1°) Le caractère absolument discontinu du temps ;
2°) le caractère absolument ponctiforme de l'instant.
 
La thèse de M. Roupnel réalise donc l'arithmétisation la plus complète et la plus franche du temps. La durée est un nombre dont l'unité est l'instant. Pour plus de clarté énonçons encore, comme corolaire, la négation du caractère réellement temporel et immédiat de la durée. M. Roupnel dit que "l'Espace et le Temps ne nous apparaissent infinis que quand ils n'existent pas". Bacon avait déjà remarqué que "rien n'est plus vaste que les choses vides". En nous inspirant de ces formules, nous pouvons dire sans déformer, croyons-nous, la pensée de M. Roupnel, qu'il n'y a vraiment que le néant qui soit continu." (Gaston Bachelard, L'intuition de l'instant, p.38)
 
Introduction : 
 
"Quand une âme sensible et cultivée se souvient de ses efforts pour dessiner, d'après son propre destin intellectuel, les grandes lignes de la Raison, quand elle étudie, par la mémoire, l'histoire de sa propre culture, elle se rend compte qu'à la base des certitudes intimes reste toujours le souvenir d'une ignorance essentielle. Dans le règne de la connaissance elle-même, il y a ainsi une faute originelle, c'est d'avoir une origine ; c'est de faillir à la gloire d'être intemporelle ; c'est de ne pas s'éveiller soi-même pour rester soi-même, mais d'attendre du monde obscur la leçon de lumière.
 
Dans quelle eau lustrale trouverons-nous, non pas seulement le renouveau de la fraîcheur rationnelle, mais bien le droit au retour éternel de l'acte de Raison ? Quelle Siloë, nous marquant au signe de la Raison pure, mettra assez d'ordre en notre esprit pour nous permettre de comprendre l'ordre suprême des choses ? Quelle grâce divine nous donnera le pouvoir d'accorder le début de l'être et le début de la pensée, et, en nous commençant vraiment nous-mêmes, dans une pensée nouvelle, de reprendre en nous, pour nous, sur notre propre esprit, la tâche du Créateur ?
 
C'est cette fontaine de jouvence intellectuelle que M. Roupnel cherche, comme un bon sourcier, dans tous les domaines de l'esprit et du cœur. Derrière lui, malhabile nous-mêmes  à manier la baguette de coudrier, nous ne retrouverons sans doute pas toutes les eaux vives, nous ne sentirons pas tous les courants souterrains d'une œuvre profonde. Du moins, nous voudrions dire à quels points de Siloë nous avons reçu les impulsions les plus efficaces et quels thèmes tout nouveaux M. Roupnel apporte au philosophe qui veut méditer les problèmes de la durée et de l'instant, de l'habitude et de la vie. 
 
D'abord cette œuvre a un foyer secret. Nous ne savons pas ce qui en fait la chaleur et la clarté. Nous ne pouvons fixer l'heure où le mystère est devenu assez clair pour s'énoncer comme un problème. Mais qu'importe ! Qu'elle vienne de la souffrance ou qu'elle vienne de la joie, tout homme a dans sa vie cette heure de lumière, l'heure où il comprend soudain son propre message, l'heure où la connaissance en éclairant la passion décèle à la fois les règles et la monotonie d'un Destin, le moment vraiment synthétique où l'échec décisif, en donnant la conscience de l'irrationnel, devient tout de même la réussite de la pensée.
 
C'est là qu'est placée la différentielle de la connaissance, la fluxion newtonienne qui nous permet d'apprécier comment l'esprit surgit de l'ignorance, l'inflexion du génie humain sur la courbe décrite par le progrès de la vie. Le courage intellectuel, c'est de garder actif et vivant cet instant de la connaissance naissante, d'en faire la source sans cesse jaillissante de notre intuition, et de dessiner, avec l'histoire subjective de nos erreurs et de nos fautes, le modèle objectif d'une vie meilleure et plus claire.
 
Cette action persistante d'une intuition philosophique cachée, on en sent la valeur de cohérence tout au long du livre de M. Roupnel. Si l'auteur ne nous en montre pas la source première, on ne peut cependant se tromper sur l'unité et la profondeur de son intuition. Le lyrisme qui mène ce drame philosophique qu'est Siloë est le signe de son intimité car, comme l'écrit Renan, "ce qu'on dit de soi est toujours poésie" (Souvenirs d'enfance et de jeunesse, Préface III).
 
Ce lyrisme, parce qu'il est tout spontané, apporte une force de persuasion que nous ne saurons sans doute pas transporter dans notre étude. Il faudrait revivre tout le livre, le suivre ligne par ligne pour comprendre combien le caractère esthétique y ajoute de clarté. D'ailleurs pour bien lire Siloë, on doit se rendre compte que c'est là l'œuvre d'un poète, d'un psychologue, d'un historien qui se défend encore d'être un philosophe au moment même où sa méditation solitaire lui livre la plus belle des récompenses philosophiques, celle de tourner l'âme et l'esprit vers une intuition originale.
 
Notre tâche principale dans les études qui vont suivre sera de mettre en lumière cette intuition nouvelle et d'en montrer l'intérêt métaphysique.
 
Gaston Roupnel
 
Gaston Roupnel (Louis Gaston Félicien Roupnel), né le  à la gare de Laissey (Doubs) et mort le  à Gevrey-Chambertin (Côte d'Or), est un romancier et historien français.Très attaché à sa Bourgogne natale, il l'a décrite avec amour dans des romans pleins d'odeurs et de couleurs terriennes: Nono ( pour lequel, en 1910, il rata le prix Goncourt, d'une voix, au profit de Louis Pergaud De Goupil à Margot), Le vieux Garain, avant de s'en faire l'historien dans Bourgogne, types et coutumes, ce qui l'a conduit à des travaux historiques plus généraux, mais cependant axés sur la continuité de l'effort paysan à travers les âges: l'Histoire de la campagne française (Grasset, 1932) dédicacé à son père Auguste Roupnel, et Histoire et destin (1942). Ce sont de grands et beaux livres où il fait œuvre de philosophe autant que d'historien. Il fut l'ami cher entre tous de Gaston Bachelard, son collègue à la Faculté de Dijon. (source : Babelio)
 
Gaston Roupnel, la nouvelle Siloë, extrait :
 
"Nous aurons vécu toute une vie en n'ayant jamais à nous qu'un instant seulement" (Gaston Roupnel, Siloë)
 
"C'est donc dans la sensation instantanée et le sentiment fulgurant du présent que nous percevons notre unité fonctionnelle. Cette sensation, c'est celle même de la vie ; ce sentiment, c'est celui-là même de l'existence. Nous les saisissons chaque fois comme le passage de l'éclair ; ils nous assaillent ; nous les recevons ; nous les voulons arrêter et fixer ; et déjà ils ne sont plus que du temps mort, un souvenir entré dans le passé, et qui appartient déjà à ses ténèbres de néant. A chaque instant nous renouvelons l'impossible effort ; et chaque instant qui vient nous arrache celui qui s'en va. Nous aurons vécu toute une vie en n'ayant jamais à nous qu'un instant seulement.

Notre âme, qui ne connaît du Temps que cet incessant départ au Néant, appelle cela « vivre » ; et elle croit « mourir » quand le tourment s'assoupit.
Instant : durée vague, sensation confuse, direz-vous !... Non pas !... Mais seule durée qui nous soit connaissable !... Ah ! contemplez-le, cet instant, ce présent qui est notre seul bien sur terre !... C'est sur cet instant présent que nous vivons et siégeons. Nous y sommes sur une cime vertigineuse qui se déplace en entraînant à ses versants des gouffres engloutissants. Tout autour règnent les solitudes et l'horreur du non-être. De chaque côté de cet instant se creuse le double abîme d'où émerge un avenir épouvanté comme un ressuscité, où le passé repose dans un néant sans ancienneté et sans âge qui réunit dans la même mort tous les instants détruits."
 
(Gaston Roupnel, La nouvelle Siloé)
 
Note : Le nom de Siloë trouve ses origines dans le nom hébreu « Shiloah », qui désigne la fontaine, à Jérusalem où Jésus, selon l'Evangile, donne la vue à un aveugle-né. Par ailleurs, dans le tunnel menant à cette fontaine de Siloë, ont été découverts les traces d’une des plus vieilles écritures : l’alphabet de Siloë. C’est aussi le symbole, par ses trois voyelles, des trois dimensions de l’homme : physique, intellectuelle et spirituelle.

 
 
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