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François Meyer, Bergson

François Meyer, Pour connaître la pensée de Bergson, Bordas, 1985

Table des matières :

I. Henri Bergson : 1. L'homme - L'oeuvre - II. La conscience : 1. Le Temps perdu et retrouvé - 2. Durée et liberté - 3. L'âme et le corps - III. La durée créatrice : 1. L'élan vital - 2. Maîtrise de l'homme - 3. Création et joie - IV. L'intuition  : 1. Grandeur et misère de l'intelligence - 2. Simplicité de l'intuition - 3. Art et sympathie - 4. Une métaphysique positive - 5. Le vrai visage de l'intuition - V. L'homme et Dieu : 1. Le clos et l'ouvert - 2. Mythologie et mysticisme - 3. Destin de l'homme - VI. Situation du bergsonisme - Index alphabétique et analytique des oeuvres de Bergson.

"Une longue suite de succès, de charges et d'honneurs (Prix Nobel en 1928) ont jalonné la vie de Bergson ; son influence fut considérable.

Et pourtant, nombreux furent ses adversaires : l'Eglise elle-même condamna la "philosophie moderniste".

Sans doute, comme toute doctrine nouvelle, le "bergsonisme" fut-il mal interprété, mal compris, peut-être même déformé par ses détracteurs.

Ce livre veut faire comprendre ce que représentait, au début du siècle, cette sorte de "spiritualisme concret" qui écartait tout ensemble trois des plus gros piliers de la philosophie traditionnelle : l'empirisme, le rationalisme et le relativisme."

Henri Bergson, L'oeuvre (extrait) :

"Peut-être n'est-il pas inutile d'esquisser un tour d'horizon du paysage philosophique tel qu'il apparaît au moment où la pensée de Bergson prend conscience d'elle-même.

Les progrès rapides et décisifs de la science au cours du XIXème siècle lui assurent une royauté à peu près incontestée. Tous les secteurs de la connaissance sont peu à peu conquis par elle, et dans chaque nouveau domaine elle trouve, ou croit trouver, des lois inflexibles, un déterminisme rigoureux. Le monde apparaît alors comme un vaste système, un colossal mécanisme dans lequel causes et effets s'enchaînent d'une manière si fatale qu'il serait possible à une intelligence suffisamment renseignée de prévoir l'état de l'univers à n'importe quel moment de l'avenir, dans le détail de tous les événements et même de toutes les actions humaines. La liberté n'est plus qu'une illusion subjective, et la pensée, une inutile et vacillante lueur qui éclaire, on ne sait pourquoi, l'implacable mécanisme universel.

A ceux qui voudraient réserver dans l'intimité des consciences quelque liberté et quelque spontanéité, l'associationnisme répond que les sensations, les sentiments et les idées sont des atomes de conscience qui gravitent les uns par rapport aux autres selon des lois aussi inflexibles que la loi de Newton qui commande le mouvement des astres. Le déterminisme psychologique de Taine, calqué sur le déterminisme physique, fait, de la vertu et du vice, des "produits" comme le sucre et le vitriol. La science de l'esprit devient une "chimie mentale". Auguste Comte, plus cohérent peut-être dans son positivisme, nie la possibilité de la psychologie : l'esprit ne peut se connaître lui-même.

Comme si la pensée n'était pas suffisamment enchaînée, la sociologie survient, qui fait de la conscience individuelle un satellite de la société, une marionnette dont tous les fils aboutissent aux rouages de la mécanique sociale. 

Ce dogmatisme scientifique - pour lequel on dut créer le néologisme de "scientisme" - absorbe la pensée tout entière dans les choses ; de l'esprit même, qui pourtant créa la science, on se désintéresse, comme si l'ouvrage valait plus que l'ouvrier.

Les philosophes eux-mêmes, quand ils ne sont pas des savants plus systématiques encore que les hommes de laboratoire, s'en tiennent au relativisme kantien : la philosophie est la science des limites de l'esprit humain. On démontre que la réalité, que la "chose en soi", que l'absolu, nous est et nous sera à jamais inaccessible. Spencer déifie l'inconnaissable, Auguste Comte affirme que le relatif seul est absolu. Comme le prisonnier dont parle Platon, mais sans espoir de délivrance, l'esprit est enchaîné au fond d'une caverne. Il est, dit ironiquement Bergson, "comme un écolier en pénitence : défense de se retourner pour voir la réalité telle qu'elle est". 

ce paysage est un paysage de tristesse. On n'y trouve partout que démission de l'esprit.

Contre cette démision, toute la pensée de Bergson est une protestation, et toute son oeuvre une réhabilitation, une réaffirmation de l'esprit et de sa liberté créatrice."

 

 

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