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EAF 2019, séries S et ES, question de corpus

Objet d'étude : Ecriture poétique et quête du sens, du Moyen-Âge à nos jours.

Texte A : Alphonse de Lamartine, "L'isolement", strophes 1 à 6, Méditations poétiques, 1820

Texte B : Anna de Noailles, "La Vie profonde", Le Coeur innombrable, 1901.

Texte C : Andrée Chédid, "destination : arbre", Tant de corps et tant d'âmes, 1991.

Texte D : Yves Bonnefoy, "La pluie d'été", Les planches courbes, 2001.

Textes : cliquer sur le lien ci-dessus

Proposition de corrigé :

I. Introduction : 

Ces quatre textes poétiques qui s'étendent de 1820 à 2001 ont pour point commun le thème de la relation de l'homme avec la nature.

Le premier est un poème intitulé "L'isolement", extrait du recueil des Méditations poétiques d'Alphonse de Lamartine, le second est un poème d'Anna de Noailles, "La vie profonde", extrait du recueil Le coeur innombrable, le troisième intitulé "Destination : arbre" est un poème d'Andrée Chédid, extrait du recueil  Tant de corps et tant d'âme. Le dernier poème est extrait du recueil Les planches courbes d'Yves Bonnefoy : "la pluie d'été".

Problématique : 

A la lecture de ces quatre poèmes, nous pouvons nous demander quelles relations leurs auteur(e)s entretiennent avec la nature.

Annonce du plan : 

Nous mettrons en évidence les trois attitudes vis-à-vis de la nature dont témoignent ces poèmes : l'indifférence vis-à-vis de la nature, puis la fusion avec la nature et enfin la contemplation de la nature.

I. L'indifférence vis-à-vis de la nature : 

Le titre du poème d'Alphonse de Lamartine : "L'isolement", est en parfait accord avec son contenu. Assis sur la montagne "à l'ombre du vieux chêne" (l.1), le poète contemple le paysage qui l'entoure ou qui s'étend en contre-bas : "le fleuve aux vagues écumantes" (l.5), le lac immmobile" (l.7), "les monts couronnées de bois sombres" (l.9)... Le poète évoque sa tristesse : "tristement je m'assieds" (l.2), son indifférence face à la nature : "Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente/N'éprouve devant eux ni charme, ni transport" (l.17-18). Il se compare à une "âme errante" (l.19) qui a perdu tout espoir : "Je parcours tous les points de l'immense étendue/Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend" (l.23-24)

II. La fusion avec la nature : 

Le poème d'Anna de Noailles intitulé "La vie profonde" témoigne d'un tout autre rapport à la nature : Au sentiment d'isolement, de tristesse, d'indifférence, de désespoir face à la nature qu'éprouve Alphonse de Lamartine, s'oppose chez Anna de Noailles la certitude "profonde", pour reprendre l'épithète du titre : "La vie profonde", de faire partie intégrante de la nature, d'y être enracinée "ainsi qu' un arbre humain" (l.1)

Anna de Noailles ne contemple pas la nature comme une réalité objective extérieure à sa personne, mais se met en quelque sorte "à sa place" en  s'imaginant les sensations que pourraient éprouver un arbre : "étendre ses désirs comme un profond feuillage" (l.2), "sentir la sève universelle affluer dans ses mains" (l.4)...

On retrouve ce même mouvement d'identification et de "dépersonnification" dans le poème d'Andrée Chédid intitulé "Destination : arbre". Dans la première moitié du poème, la poétesse d'identifie à un arbre au milieu de la forêt, puis dans la seconde moitié à un arbre "orphelin des forêts" (l.21), perdu "au coeur d'une métropole" (l.17).

Alors que le poème d'Anna de Noailles traduit un sentiment constant de plénitude et d'euphorie, on peut déceler dans la deuxième partie du poème d'Andrée Chédid un certain mal-être : "Un arbre un seul/Enclos dans l'asphalte/Eloigné des jardins/Orphelin des forêts (l.16-21) - "Un arbre/Au tronc rêche/Aux branches taries/Aux feuilles longuement éteintes (l.22-26)

Ce sentiment de solitude et de déssèchement qui pourrait apparenter cette deuxième partie du poème à "L'isolement" d'Alphonse de Lamartine,  cède toutefois la place, dans la troisième partie, à une impression d'espoir et de renouveau : "Sentir sous l'écorce/Captives mais invincibles/La montée des sèves/La pression des bourgeons/Semblables aux rêves tenaces/Qui fortifient nos vies" (l.29-34)

III. La contemplation de la nature

Dans le poème d'Yves Bonnefoy intitulé "La pluie d'été", le poète n'est pas seul comme Alphonse de Lamartine, Anna de Noailles ou Andrée Chédid. Il évoque le souvenir d'une promenade dans la nature, en compagnie d'une femme, sous "la pluie d'été".

Le poète ne s'identifie pas totalement ou partiellement à la nature comme le font Anna de Noailles ou Andrée Chédid. Il évoque des sensations visuelles et olfactives : "l'odeur de l'herbe" (l.8), "l'étoffe de la pluie" (l.11), "l'or du ciel" (l.15)...

Il fait allusion à des réalités crées par la pensée humaine et non par la nature :  la peinture : "C'était comme le sein/Qu'eût rêvé un peintre" (l.11-12), l'alchimie : "Cet or que l'alchimie/Aura tant cherché (l.15-16), les correspondances : "ce feu, / C'était l'or encore" et la théorie présocratique des éléments : "Terre" (l.9)

Dans la dernière strophe, le poète et sa compagne accomplissent un geste immémorial, aussi humain que la parole, qui ajoute à la nature pour en aviver l'éclat et la beauté : ramasser des branches et des feuilles mortes pour allumer un feu qui ressemble à l'or du ciel : "Cette fumée le soir puis, brusque, ce feu,/C'était l'or encore (l.23-24)

Conclusion :

Pour conclure, nous nous étions demandés quelles relations les auteurs de ces poèmes entretenaient avec la nature. Alphonse de Lamartine, sous l'emprise d'un profond sentiment de mélancolie, exprime sa distance, sa solitude, sa tristesse ou son indifférence face à la nature, Anna de Noailles et Andrée Chédid cherchent à ne faire qu'une avec elle.

Yves Bonnefoy dit son bonheur et son émerveillement devant la nature dans laquelle l'homme, être de langage,  ne peut qu'imaginer se fondre, mais dont il a la merveilleuse et redoutable responsabilité, lui et lui seul, le "berger de l'Etre", d'en contempler, d'en préserver, d'en recueillir et d'en célébrer, dans la parole poétique, l'éclat et la beauté.

 

 

 

 

 

 

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