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Emmanuel Mounier, l'irréductibilité de la personne à l'objet

Emmanuel Mounier, né le 1er avril 1905 à Grenoble et mort le 22 mars 1950 à Châtenay-Malabry, est un philosophe catholique français, fondateur de la revue Esprit et à l'origine du courant personnaliste en France.

Qu'est-ce que le personnalisme ?

Le personnalisme est un courant de pensée philosophique qui prêche le relèvement de la personne humaine à travers le respect de sa dignité. Ainsi doit-on lui appliquer une justice qui répond à sa nature d'être conscient, raisonnable et responsable. C'est également un courant de pensée qui affirme la primauté de la personne humaine en tant que valeur absolue. Emmanuel Mounier écrit au sujet du personnalisme que c'est "une philosophie, son affirmation centrale est l'existence de personnes libres et créatrices." C'est donc un mouvement de pensée et non une doctrine. Si ce mouvement connaît le rayonnement, c'est parce que non seulement E. Mounier mais aussi ses collaborateurs comme Louis Landsberg (1901-1944), Max Scheler (1874-1928), Jean Marie Domenach (1922-1997), Raymond Aaron (1905-1983) et même J. P. Sartre se sont laissés interpeller par la situation qui prévalait au lendemain de la seconde guerre mondiale. (source : cours de philosophie, Terminale A : la Personne)

Le texte : 

"La personne n'est pas un objet. Elle est même ce qui dans chaque homme ne peut être traité comme un objet. Voici mon voisin. Il a de son corps un sentiment singulier que je ne puis éprouver ; mais je puis regarder ce corps de l'extérieur, en examiner les humeurs, les hérédités, la forme, les maladies, bref le traiter comme une matière de savoir physiologique, médical, etc.

Il est fonctionnaire, et il y a un statut du fonctionnaire, une psychologie du fonctionnaire que je puis étudier sur son cas, bien qu'ils ne soient pas lui , lui tout entier et dans sa réalité compréhensive. 

Il est encore, de la même façon, un Français, un bourgeois, ou un maniaque, un socialiste, un catholique, etc. 

Mais il n'est pas un Bernard Chartier : il est Bernard Chartier. Les mille manières dont je puis le déterminer comme un exemplaire d'une classe m'aident à le comprendre et surtout à l'utiliser, à savoir comment me comporter pratiquement avec lui.

Mais ce ne sont que des coupes prises chaque fois sur un aspect de son existence.

Mille photographies échafaudées ne font pas un homme qui marche, qui pense et qui veut.

(...) Le "meilleur des mondes" d'Huxley est un monde où des armées de médecins et de psychologues s'attachent à conditionner chaque individu selon des renseignements minutieux.

En le faisant du dehors et par autorité, en les réduisant tous à n'être que des machines bien montées et bien entretenues, ce monde surindividualisé est cependant l'opposé d'un univers personnel, car tout s'y aménage, rien ne s'y crée, rien n'y joue l'aventure d'une liberté responsable. Il fait de l'humanité une immense et parfaite pouponnière.

Il n'y a donc pas les cailloux, les arbres, les animaux - et les personnes qui seraient des arbres mobiles ou des animaux plus astucieux. La personne n'est pas le plus merveilleux objet du monde, un objet que nous connaîtrions du dehors, comme les autres. 

Elle est la seule réalité que nous connaissions et que nous fassions en même temps du dedans. Présente partout, elle n'est donnée nulle part.

Nous ne la rejetons pas pour autant dans l'indicible. Une expérience riche plongeant dans le monde s'exprime par une création incessante de situations, de règles et d'institutions.

Mais cette ressource de la personne étant indéfinie, rien de ce qui l'exprime ne l'épuise, rien de ce qui la conditionne ne l'asservit. 

Pas plus qu'un objet visible, elle n'est un résidu interne, une substance tapie sous nos comportements, un principe abstrait de nos gestes concrets : ce serait encore une manière d'être un objet, ou un fantôme d'objet. 

Elle est une activité vécue d'auto-création, de communication et d'adhésion, qui se saisit et se connaît dans son acte, comme mouvement de personnalisation.

Emmanuel Mounier, Le personnalisme, P.U.F., 1949, pp. 7-8

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