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La thèse de Claude Tresmontant est que l'Univers n'est pas une machine, mais un système en régime permanent d'accroissement d'information.

"L'Univers n'est pas une machine." Une machine est un objet fabriqué, doté d'un mécanisme généralement complexe, qui transforme l'énergie (d'un moteur) pour produire un travail. 

La théorie "mécaniste" réduirait l'Univers à une machine puisqu'il admettrait que l'ensemble des phénomènes est susceptible d'être ramené à un ensemble de déterminations dépourvu d'informations croissantes.

Une machine, que ce soit une machine à laver ou un ordinateur est incapable d'exécuter un autre programme que celui pour lequel elle a été conçue.

Considérant la genèse interne par embryogénèse et le comportement des organismes comme un tout d'action structurée et structurante, Raymond Ruyer s'oppose de son côté à ce que toutes les formes de vie, de l'amibe à l'homme, ne relèvent que du seul mécanisme.

Le mécanisme apte à décrire un présent spatio-temporel au moment de l'effectuation ou actualisation matérielle est toujours subordonné, encadré.

Il relève de l'espace et du temps, quatrième dimension de la physique. Le mécanisme, comme le monde physique, ne serait rien sans une organisation d'êtres vrais, caractérisée par ses liaisons informantes et conservatrices.

Pour Tresmontant, l'Univers est un processus évolutif, c'est-à-dire qu'il s'est transformé à partir de son état initial, il est passé des premiers atomes crées, une nuée d'hydrogène avec un peu d'hélium, alors que les galaxies étaient en formation aux organismes unicellulaires puis aux organismes complexes comme le "lion, la girafe et l'homme". 

Selon la théorie aujourd'hui généralement admise, l'Univers est né il y a 13,7 milliards d'années. Il était concentré en un seul point, puis l'espace s'est dilaté et la matière s'est formée. Cette théorie qui décrit l'expansion de l'Univers se nomme la théorie du Big Bang.

"Une intelligence qui aurait connu intégralement le message génétique des micro-organismes monocellulaires d'il y a trois milliards d'années ne pouvait pas non plus prévoir ni déduire de ces premiers messages génétiques, les messages qui vont commander par la suite la constitution du lion, de la girafe ou de l'homme - à moins de les inventer, c'est-à-dire, là encore, d'être une intelligence créatrice."

Tresmontant admet la théorie de l'évolution, bien qu'il refuse de parler, comme Teilhard de Chardin de "panthéisme".

La théorie de l'évolution suggère que toutes les espèces vivantes sont en perpétuelle transformation et subissent au fil du temps et des générations des modifications morphologiques comme génétiques.

Cette conception a été présentée par Darwin dans son ouvrage L'origine des espèces, publié en 1859. Depuis, il a bouleversé la biologie en fournissant la pièce clé pour l'instabilité et les variations du vivant.

Selon la théorie du naturaliste britannique, l'évolution et la sélection naturelle, le mécanisme par lequel au sein d'une même espèce, les individus les mieux adaptés à leur environnement se reproduisent davantage que les autres,  peut permettre d'expliquer, sur des échelles de temps plus ou moins longues, l'apparition de nouvelles espèces comme la disparition d'autres.

Cette même théorie, désignée par Darwin sous le nom de "descendance avec modification" implique également que toutes les espèces vivantes, y compris l'homme, descendent d'un ancêtre commun.

"Il était impossible à une intelligence placée par hypothèse il y dix milliards d'années, de "prévoir" l'invention du code génétique qui a eu lieu il y a trois milliards d'années, à moins de l'inventer, c'est-à-dire d'être cette intelligence créatrice elle-même." 

Le code génétique est l'ensemble des règles permettant de traduire les informations contenues dans le génome des cellules vivantes afin de synthétiser les protéines. Il est apparu il y a trois milliards d'années, donc à un stade plus récent du processus de l'évolution.

Tresmontant affirme qu'il aurait été impossible à une intelligence humaine placée par hypothèse il y a dix milliards d'année, de prévoir ou de déduire l'invention du code génétique qui est à la base de tous les organismes vivants.

Tresmontant distingue entre "prévoir" et "déduire". Prévoir, c'est voir à l'avance donc aller du présent vers le futur ; déduire, c'est trouver quelque chose à partir d'un raisonnement qui va des causes aux conséquences et donc du passé vers le présent.

L'expression "démon de Laplace", parfois aussi appelée "génie de Laplace" fait référence à une expérience de pensée proposée par Laplace, dans son ouvrage Essai philosophique sur les probabilités (1814) pour illustrer son interprétation du déterminisme absolu : « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux." (Pierre-Simon Laplace, Essai philosophique sur les probabilités)

L'expérience de pensée de Laplace qui peut s'appliquer éventuellement à l'astronomie, c'est-à-dire à la matière inerte ne peut pas s'appliquer au vivant.

On ne peut pas déduire, selon Tresmontant d'un Univers composé d'une nuée d'hydrogène avec un peu d'hélium l'invention du code génétique.

"L'avenir est toujours plus riche en information que le passé et il n'est pas possible de déduire l'avenir du passé, comme le fait le démon de Laplace, tout simplement parce que l'avenir n'est pas contenu dans le passé, ni en acte, ni en puissance. Tresmontant fait ici allusion à la distinction que fait Aristote entre "l'être en acte" et "l'être en puissance" dans sa Métaphysique

La puissance (en grec ancien dunamis)  est synonyme de potentialité. Ce qui est puissance s'oppose à ce qui est en acte. Ce qui est en puissance est ce qui n'est pas encore réalisé, ce qui n'est qu'une virtualité. Par exemple le chêne est en puissance dans le gland, la statue est en puissance dans la pierre ou l'airain. La puissance est à l'état de possibilité, ce n'est qu'une promesse d'existence. Le sculpteur actualise la statue en sculptant le matériau. 

L’acte (ergon, energeia), est la réalisation, l'acte réalisé, une réalité achevée. C'est ce qui donne forme au monde  ou à ses parties : l'œuvre pénètre et transforme la matière (hulè), lui donne une forme (morphé).

On ne peut pas déduire en ce qui concerne l'Univers "l'être en acte" de "l'être en puissance" parce que la distinction entre l'acte et la puissance n'est pas pertinente au niveau de l'Univers comme elle l'est à propos du chêne et du gland ou du germe et du poussin.

C'est pourquoi le problème de l'existence de Dieu se pose d'une manière différente aujourd'hui qu'au XIIIème siècle ou du temps d'Aristote. 

Tresmontant introduit la notion "d'information" : dans aucun de ses états, le monde ne peut rendre compte par lui-même, et seul, de la croissance de l'information qui s'opère en lui, et qui le porte à un degré supérieur de composition.

Autrement dit, la théorie selon laquelle l'évolution s'explique par le jeu combiné du hasard et de la nécessité dans la sélection naturelle n'est pas satisfaisante.

Avec la notion d'information, Tresmontant renouvelle la preuve cosmologique avancée par Saint Thomas d'Aquin et, plus tard, par Leibniz sous le nom d'argument a contingentia mundi.

La preuve cosmologique s'appuie, non sur le seul concept a priori de Dieu, mais sur l'existence a posteriori du monde. On peut la formuler de la façon suivante :

Tout ce qui est a une cause ;
or il existe un monde, qui ne peut être la cause de lui-même ;
donc, il doit avoir pour cause un être qui soit cause de lui-même (Dieu).

Kant, dans la Critique de la Raison Pure n'a pas réfuté cette "preuve", mais montré que l'affirmation contraire était contradictoire.

Mais si l'on peut constater (et on le constate en effet) une augmentation de l'information depuis la création du monde, la preuve cosmologique renouvelée par le concept d'information permet d'échapper aux "antinomies de la Raison Pure" dans la mesure où l'augmentation de l'information est à la fois nouménale (on ne sait pas pourquoi) et phénoménale (on la constate expérimentalement).

On constate l'apparition dans le monde de phénomènes nouveaux que l'on ne peut réduire à un phénomène antérieur comme l'apparition de la vie, de la conscience, des organismes complexes, etc.

La complexité et la nouveauté de l'information n'est pas compatible avec la théorie du déterminisme strict, parce que l'Univers est un système constitué par une série de commencements d'être dont aucun ne peut être expliqué par le précédent.

L'état antérieur de l'Univers, par exemple ce qu'il était quelques instants après le Big Bang, des premiers atomes crées, une nuée d'hydrogène avec un peu d'hélium, ne peut pas expliquer la formation des organismes unicellulaires, basée sur le code génétique.

Entre les premiers atomes crées et les organismes unicellulaires, il   y a une croissance d'information que l'on peut difficilement attribuer au hasard.

Il faut donc admettre que l'Univers n'est pas un système clos, fermé sur lui-même et suffisant, mais qu'il reçoit de manière continuelle de l'information créatrice. 

Tresmontant rejoint ici la théorie de la "création continuée" de Descartes : Pour Descartes, l'acte de création ne doit pas être réduit à l'origine du monde ; Dieu n'a pas créé la nature pour la laisser être et exister sans lui.

Étant incapable d'être par elle-même, la nature est donc suspendue à la "création continuée" ; autrement dit, elle est continuellement renouvelée.

On peut convenir d'appeler "Dieu" la source de cette information qui opère dans le monde mais qui n'est pas le monde. Si le mot "Dieu" ne plaît pas, on peut en choisir un autre. Cela n'a absolument aucune importance.

Si l'on ne veut pas utiliser le mot "Dieu", Tresmontant ne voit pas d'inconvénient à en employer un autre. Les Juifs eux-mêmes répugnent à employer le mot "Dieu" pour ne pas réduire le principe créateur à une chose, à un étant, fût-ce à un "étant suprême".

Dieu n'est pas le monde, l'univers, il ne se confond pas avec le monde. Tresmontant se démarque ici de la conception "panthéiste". 

Le panthéisme est une doctrine philosophique selon laquelle "Dieu est tout". Elle se distingue du monothéisme en considérant que Dieu n'est pas un être personnel distinct du monde, mais qu'il est l'intégralité du monde ; cette conception est appelée l'immanence par opposition au principe de transcendance du Dieu créateur monothéiste.

Le panthéisme, contrairement au monothéisme, n'admet pas de principe créateur extérieur à la nature.

Pour Tresmontant, La source de l'information qui opère dans le monde n'est pas le monde, elle ne se confond pas avec le monde.

Spinoza distingue, dans l'Ethique, entre La nature naturante ("natura naturans"), le principe créateur, organisateur et la nature naturée (natura naturata), la nature visible, l'ensemble des phénomènes perceptibles aux sens, les modes finis de la Substance infinie dans le vocabulaire de Spinoza. 

Si l'on reprend la distinction spinozienne, la nature naturante correspond au principe d'information croissante qui opère dans le monde et la nature naturée au monde lui-même, à la nature. Mais la source d'information croissante qui opère dans le monde n'est ni le monde, ni dans le monde.

C'est pourquoi Tresmontant n'est pas "panthéiste". Pour Spinoza la natura naturans et la natura naturata sont deux façons d'envisager la même Substance, alors que pour Tresmontant, l'Univers et l'information qui s'opère en lui sont deux réalités différentes.

On peut, comme Aristote, au lieu du mot "Dieu", prendre un terme plus abstrait, par exemple "premier moteur". 

Le premier moteur, ou moteur non mû est un concept de philosophie métaphysique élaboré par Aristote. 

Il s'agit de la "cause première" du cosmos, c'est-à-dire de la cause qui a causé tous les effets subséquents ; en d'autres termes, il s'agit du  "moteur" du cosmos. Ce moteur, toutefois, meut le monde sans être mû, contrairement à tous les autres moteurs.

Le Dieu de Tresmontant diffère du premier moteur d'Aristote dans la mesure où il n'est pas seulement la cause du mouvement, mais le créateur de l'Univers et de l'information croissante.

Les Grecs n'ont pas eu le concept de "création ex nihilo", ils considéraient que la matière est éternelle, infinie et incréée.

L'athéisme est une philosophie selon laquelle l'Univers serait un système auto-suffisant, et qui ne recevrait par d'information, car, par hypothèse, il est le seul à être.

Parmi les Présocratiques, Empédocle semble envisager cette thèse : "de qui recevrait-il de l'accroissement, puisqu'il est le seul à être ?" Parménide affirme de son côté : "L'Univers ne doit pas périr, puisqu'il est l'Être".

Pour que l'athéisme soit pensable, il faut donc que l'Univers soit un système éternel, sans décroissance réelle d'information, sans évolution irréversible effective, ni déperdition, c'est-à-dire sans entropie.

L'entropie caractérise l'aptitude de l'énergie contenue dans un système à fournir du travail, ou plutôt son incapacité à le faire : plus cette grandeur est élevée, plus l'énergie est dispersée, homogénéisée et donc moins utilisable (pour produire des effets mécaniques organisés). 

La néguentropie est l'opposée de l'entropie : elle donne de l'énergie contenue dans un système thermodynamique la mesure non plus de son désordre mais de son organisation et de son aptitude à l'auto-structuration.

Or les sciences expérimentales nous montrent que l'Univers est un système qui, constamment, est en régime d'accroissement d'information, et que si, dans un système physique, biologique ou intellectuel, l'information n'est plus communiquée, le système tend par lui-même à se dégrader, à se décomposer, à retourner à la poussière, son état le plus probable.

L'athéisme est incapable de penser un monde en régime de genèse. Il lui faut un monde fixe ou cyclique, régi par "l'éternel retour" un concept stoïcien repris par Nietzsche. Il faut que l'Etre, qui par définition est le monde et se confond avec le monde, ne comporte ni accroissement, ni diminution.

La théorie du Big Bang est remise en question depuis quelques années par Robert Penrose qui émet l'idée, à partir de ses travaux sur les "trous noirs" que le Big Bang, explosion survenue il y a environ quinze milliards d'années, à l'origine de notre Univers (temps, espace et matière) ne serait pas le premier à s'être produit. 

Roger Penrose explique que depuis sa création, l'univers est en expansion permanente, du fait de son contenu en énergie noire.

Et, selon lui, il continuera jusqu'à ce que toute la matière qu'il contient se désintègre, laissant la place à un tout nouvel univers.

Il y aurait donc et il y aura une succession de Big Bangs, qu'il appelle Aeon (en grec ancien, "nouvel âge", mais également "pour l'éternité"), soit une série illimitée d'autres univers. Cette théorie est la théorie de la cosmologie conforme cyclique (CCC).

Elle ne va pas sans rappeler la cosmologie hindouiste selon laquelle l'Univers serait cyclique avec l'alternance de période d'activité (Manvantra) et de repos (Pralaya).

La théorie de Penrose réfute l'idée de création ex nihilo et implique l'éternité de la matière, mais elle n'explique ni l'apport croissant d'information, ni le passage de la matière inanimée à la matière vivante.

L'athéisme n'admet pas l'idée d'une création en train de s'effectuer, d'une "création continuée", déjà envisagée par Descartes.

Il s'efforcera par tous les moyens possibles, par exemple par l'idée d'un Univers cyclique avec des alternances d'activité et de repos, de nier ou de dissimuler ce fait.

Selon Tresmontant, il y parviendra de moins en moins car la connaissance que nous avons aujourd'hui de l'histoire de la création, c'est-à-dire de l'histoire du cosmos et de l'évolution des espèces, sans parler de l'apparition de la conscience que n'aborde pas Tresmontant dans ce texte, manifeste de manière éclatante cette innovation constante, cette production d'imprévisible nouveauté.

Certains verront dans la thèse de Tresmontant un avatar de la notion de "dessein intelligent", écarté par la science au nom du postulat d'objectivité, Il n'en reste pas moins que la notion d'information croissante permet au moins à titre d'hypothèse, de penser certaines singularités comme le passage de la matière inanimée à la matière vivante, au moins pour ceux qui ne se satisfont pas de la notion de hasard.

Je reproduis ci-dessous la réponse (mail) de Paul Mirault à deux questions que je lui ai posées sur la différence entre la notion de "création continuée" chez Descartes et de "création continue" chez Claude Tresmontant et sur la métaphysique kantienne :

Je suis enchanté que vous ayez découvert cette œuvre qui est peu évoquée de nos jours. Cela n’a pas toujours été le cas, puisque Claude Tresmontant a connu un certain succès public dans les années 60 et 70 et même au-delà des frontières françaises.

Avant d’apporter des éléments de réponse à vos questions, je vous prie de bien vouloir pardonner leur brièveté, mais je suis moi-même professeur de philosophie et très occupé en ce moment par les multiples obligations que vous connaissez bien et qui sont de plus en plus nombreuses et toujours plus absurdes.

Vous évoquez Kant dans votre message, mais il me semble qu’il est bien difficile de faire ce rapprochement que vous interrogez. En effet, Tresmontant est, du point de vue épistémologique, un fidèle aristotélicien : l’information est immanente au réel et non un fait mental. Dès lors, on peut et on doit penser le monde à partir de l’expérience. Chez Kant, l’information étant une structuration mentale du réel qui, lui, reste définitivement inconnaissable, il n’est pas possible de conclure quoi que ce soit sur l’origine de ce monde ni même sur sa nature comme chose en soi. Avec Kant la métaphysique n’est plus qu’un jeu utile de l’esprit et en aucun cas une réponse aux grandes questions que nous nous posons. Notre pensée est définitivement enfermée dans le monde phénoménal.

Dès lors, Tresmontant remarque, dans ce réel dont nous faisons l’expérience, ce que Bergson nomme dans L'Évolution créatrice l'avènement d’une imprévisible nouveauté. Le monde est en train d’être créé encore maintenant, sans quoi il n’y aurait plus de temps. Sur ce dernier point, vous l’aurez compris, Tresmontant est bien le disciple de Bergson et même de Teilhard de Chardin. C’est dans ce processus créatif qu’il introduit le fait d’Israël et plus encore celui de Jésus : il est le nouvel Adam, le parachèvement de la création, la réalisation de l’homme uni à Dieu. Cela ne pouvait pas se réaliser, en tout cas du point de vue mondain, instantanément, mais dans la durée. Je vous renvoie à ce sujet au livre de Tresmontant intitulé Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu. C'est certainement son livre le plus connu et un incontournable pour entrer dans son œuvre. Il faudrait que vous puissiez également lire son premier ouvrage programmatique : Essai sur la pensée hébraïque.

C’est pourquoi, ainsi que vous le pressentez, il ne faut pas confondre la création continuée cartésienne avec la création continue dont parle Tresmontant à la suite de Bergson. Pour Descartes, le monde, en ses lois est constant et créé une fois pour toutes. Dieu ne renie pas sa création et de ce fait la maintient en son être selon l'ordre de ses lois. Chez Tresmontant, le temps est comme chez Bergson la mesure de la création en train de se faire et de ce fait la création est continue puisqu’elle se poursuit ; elle intègre de ce fait l’idée d’évolution, mais une évolution non pas hasardeuse comme chez Darwin mais créatrice comme chez Teilhard et Bergson. C'est au fond la conception hébraïque du temps que Bergson et Tresmontant réintroduisent dans la pensée occidentale et qui font d'eux des penseurs bien plus proches de la métaphysique biblique que par exemple Thomas d'Aquin qui reste attaché à l'une des conceptions grecques du temps.

Voilà en quelques mots ce que je pense pouvoir répondre à vos deux questions.

Je reste à votre écoute

Avec mes meilleurs sentiments.

Paul Mirault

Propriétés communes à la vie et au langage :

"Biologistes et linguistes ont observé un nombre impressionnant de propriétés communes à la vie et au langage depuis leur émergence consécutive.

Ce sont deux systèmes porteurs d'information et orientés vers un but. Ils requièrent tous les deux la présence de messages et d'un code sous-jacent.

Depuis la première apparition d'un minimum vital, le "statut spécial attribué aux organismes vivants en vertu de leur origine et de leur dessein" (citation de F. Jacob) repose sur l'existence de messages codés qui spécifient leurs structures moléculaires et jouent le rôle d'instructions transmises de génération en génération.

Les analyses du code génétique - découvert et déchiffré à notre époque par la biologie moléculaire - et celles du code verbal - scrupuleusement étudié par des générations de linguistes - ont révélé une série d'analogies de configuration remarquables. 

(Roman Jakobson, "Vie et langage", Dialectiques n°7, Hiver 74, p.65)

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