Claude Tresmontant, Saint Paul et le mystère du Christ

Claude Tresmontant, Saint Paul et le mystère du Christ, Editions du Seuil, Points/Sagesses, 1956 et 2006

L'auteur : 

Philosophe, professeur à la Sorbonne, il s’est particulièrement intéressé à la métaphysique présente dans la tradition hébraïque, dans l’enseignement de Ieshoua de Nazareth et de Paul de Tarse.

Le livre : 

"Paul est-il encore lu ? Pour beaucoup, il se réduit à des clichés : celui qui a trahi le message si pur et si simple du Christ, celui par qui l’antijudaïsme chrétien est devenu une doctrine, celui qui est à l’origine du "mauvais christianisme"... Retrouver Paul tel qu’en lui-même, sa personnalité et son génie : voilà ce que pourrait être le propos de ce petit livre. Il revient sur son époque et son milieu de vie, il rappelle les grandes lignes et la nouveauté de son message, l’énergie sans égale de ce "co-ouvrier de Dieu", de ce tard-venu qui "annonce la Bonne Nouvelle" d’un Jésus qu’il n’a pas connu, au point d’être désigné dans l’histoire chrétienne ultérieure comme "l’Apôtre" tout court."

Extraits : 

"Résumons cette rapide enquête sur le "milieu" paulinien. Milieu humain : une grande ville cosmopolite, commerçant, pleine de langues, de meurs, de traditions religieuses et philosophiques les plus variées. Milieu familial : une famille d'artisans juifs aisés, pharisiens de stricte observance. Milieu culturel : formation rabbinique à Jérusalem. Paul avait-il été plus spécialement initié aux philosophies païennes et aux religions à mystères ? C'est hautement improbable. Un juif pieux ne se souillait pas avec les cultes païens..." (p. 23)

"Athéniens, à tous égards, je vois que vous êtes les plus religieux des hommes. Car en passant et en considérant vos monuments sacrés, j'ai même trouvé un autel sur lequel était gravé "A UN DIEU INCONNU". Ce que vous adorez sans le connaître, c'est cela que moi je vous annonce..."

En proclamant à Athènes qu'il existe un Dieu qui a crée le cosmos, Paul heurtait de front le principe fondamental de toute la philosophie antique : selon la philosophie païenne, le cosmos est dieu, il est de toute éternité, il est incréé ; il n'a donc nul besoin d'un Dieu créateur. Il est suffisant, nécessaire, il est la consistance même. Tout au plus peut-il avoir besoin d'un démiurge qui le mette en ordre : car le chaos est antérieur à l'ordre (...) En affirmant la création du monde, la Bible s'opposait à toute idolâtrie. Les astres ne sont pas des divinités, mais des réalités crées. Ils ne sont pas éternels, ils ont été crées à un moment donné, et Dieu peut les détruire. La monde qui a un commencement aura aussi une fin. Toutes ces propositions sont un scandale pour une intelligence hellénique.

"Un homme qu'il a ressuscité des morts... La doctrine juive de la résurrection des morts était, si possible, encore plus incompréhensible pour un philosophe grec que la notion de création...

Bien des points sont encore incompatibles entre la pensée païenne antique et l'apport biblique : la doctrine du temps par exemple. Contre l'éternel retour auquel croit la paganisme, la Bible affirme l'irréversibilité du geste créateur de Dieu qui tend vers une fin..."(p.130)

"Il y a, dans la personne et l'existence de saint Paul, un aspect que nous oserions illustrer en évoquant l'œuvre de Chaplin (qui n'était pas juif). L'œuvre de Chaplin est si riche, spirituellement, parce qu'elle contient un mystère. la poétique de Chaplin consiste à mimer cette dialectique constante dans l'histoire du peuple de Dieu : la faiblesse qui triomphe de la force pour manifester l'humour de l'Esprit et de la sagesse de Dieu. Charlot mime Israël. Depuis Abraham, le père des émigrants, Israël, "le plus petit de tous les peuples", a constamment vérifié cette loi qui continuera de régir la vie de l'Eglise naissante - une poignée de Galiléens, "balayures du monde" contre l'empire de Rome, le combat de David contre Goliath." (p.163)