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Au départ, René de chateaubriand figurait dans Le Génie du christianisme comme simple illustration du vague des passions. Publié comme roman à part entière avec Atala en 1802, il connut un immense succès. Toute une génération d'héritiers de Jean-Jacques Rousseau se reconnut dans ce pâle héros, exilé en Amérique, qui analyse les symptômes contradictoires de sa difficulté d'exister.

 

"Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal. Tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons, puis, les abandonnant tout à coup, j'allais m'asseoir à l'écart pour contempler la nue fugitive ou entendre la pluie tomber sur le feuillage.

 

Chaque automne, je revenais au château paternel, situé au milieu des forêts, près d'un lac, dans une province reculée. je ne trouvais l'aide et le contentement qu'auprès de ma soeur Amélie. Une douce conforminté d'humeur et de goûts m'unissait étroitement à cette soeur ; elle était un peu plus âgée que moi. Nous aimions à gravir les coteaux ensemble, à voguer sur le lac, à parcourir les bois à la chute des feuilles : promenades dont le souvenir remplit encore mon âme de délices. O illusion de l'enfance et de la patrie, ne perdez jamais vos douceurs !

 

Tantôt nous marchions en silence, prêtant l'oreille au sourd mugissement de l'automne ou au bruit des feuilles séchées que nous trainions tristement sous nos pas ; tantôt, dans nos jeux innocents, nous poursuivions l'hirondelle dans la prairie, l'arc-en-ciel sur les collines pluvieuses ; quelquefois aussi nous murmurions des vers que nous inspirait le spectacle de la nature. Jeune, je cultivais les Muses ; il n'y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu'un coeur de seize années. Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d'images et d'harmonies.

 

Les dimanches et les jours de fête, j'ai souvent entendu dans le grand bois, à travers les arbres, les sons de la cloche lointaine qui appelait au temple l'homme des champs. Appuyé contre le tronc d'un ormeau, j'écoutais en silence le pieux murmure. Chaque frémissement de l'airain portait à mon âme naïve l'innocence des moeurs champêtres, le calme de la solitude, le charme de la religion et la délectable mélancolie des souvenirs de ma première enfance ! Oh ! quel coeur si mal fait n'a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal, de ces cloches qui frémirent de joie sur son berceau, qui annoncèrent son avénement à la vie, qui marquèrent le premier battement de son coeur, qui publièrent dans tous les lieux d'alentour la sainte allégresse de son père, les douleurs et les joies encore plus ineffables de sa mère ! Tout se trouve dans les rêveries enchantées où nous plonge le bruit de la cloche natale : religion, famille, patrie, et le berceau et la tombe, et le passé et l'avenir.

 

François-René de Chateaubriand, René (1802)

 

 

Aux élèves :

 

Posez-vous les questions suivantes :

 

1) Qui est le narrateur ? 

 

2) Le narrateur est-il l'auteur ?

 

3) Comment se traduisent les changements d'humeur du narrateur ?

 

4) Comment s'expriment le goût de la solitude et l'amour de la nature ?

 

5) Etudiez le thème de la nostalgie (cherchez le sens de ce mot). De quoi et de qui le narrateur a-t-il la nostalgie ? 

 

6) Où le narrateur puise-t-il son inspiration ?

 

7) Comment se traduit son amour pour sa soeur ?

 

8) Comment s'exprime le sentiment religieux du narrateur ?

 

 

Proposition d'introduction :

 

Ce texte est extrait de René ou les effets des passions de François-René de Chateaubriand (1768-1848), publié en 1802. Il s'agit d'un roman en partie autobiographique : le titre de l'ouvrage est le second prénom de l'auteur. Ce dernier exprime, dans cet extrait le "vague des passions" qui deviendra un lieu commun du romantisme.

 

En quoi ce texte est-il romantique ? Nous montrerons les différents thèmes à travers lesquels s'exprime la sensibilité romantique de l'auteur : le lyrisme, le goût de la solitude, l'amour de la nature, les "affinités électives", la religiosité et la nostalgie.

 


 Cherchez, dans le texte la manière dont le narrateur évoque ces thèmes :

 

 

 L'exaltation du "moi" : le héros romantique n'estime pas, comme Pascal (XVIIème siècle) que le "moi est haïssable". il s'étudie passionnément, il cultive et exprime les mille et une nuances d'une subjectivité mouvante.

 

Le goût de la solitude : Le héros romantique est d'humeur changeante. Il passe d'un extrême à l'autre, de la sociabilité au désir de solitude, de la mélancolie à la joie. Il se veut et se sent différent des autres et recherche la solitude.

 

L'amour de la nature : René ne se sent vraiment heureux qu'au contact de la nature

 

Les "affinités électives" : Amélie, la soeur de René, est la seule personne qui soit proche de lui. Tout le livre tourne autour de leurs relations, plus passionnelles que fraternelles.

 

Le goût des voyages : René voyage pour combler un manque qu'il n'identifie pas complètement et trouver la sérénité.

 

L'enfance : L'enfance de René est inspirée de celle de Chateaubriand à Combourg.

 

La nostalgie : la nostalgie est le regret mélancolique d'une chose révolue. Le narrateur éprouve une triple nostalgie : celle du pays natal, de sa jeunesse et de sa soeur bien-aimée.

 

Le sentiment religieux : il est lié au sentiment de la nature et à la nostalgie de l'enfance ; la religion de René est une "religion du coeur".

 


 


 


 

 


 

 

 

 

 

 

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