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Henry James, Le Tour d'écrou (la nouvelle et  ses adaptations)

Henry James, Le Tour d'écrou (The Turn of the screw), traduction de Janine Lévy, Librairie générale française, 1995 et en Livre de Poche

Henry James (1843-1916), Américain naturalisé britannique, écrivain cosmopolite qui entretint avec Flaubert, Tourgueniev, Conrad, Wells et bien d'autres des liens très forts, est l'auteur d'une oeuvre romanesque de tout premier plan : Les Bostoniennes,Le Tour d'écrouCe que savait MaisieWashington SquareLa Coupe d'or... comptent parmi ses ouvrages les plus célèbres.

Salué par Oscar Wilde, ce court récit est considéré aujourd'hui comme le roman fantastique par excellence, car il repose sur l'hésitation du lecteur entre une interprétation rationnelle ou une interprétation surnaturelle du récit." (source babelio) 

L'intrigue :

"Une jeune gouvernante est engagée pour s'occuper de deux adorables enfants, Miles et Flora, délaissés par leur oncle. Alors qu'elle se réjouit de ce nouvel emploi, elle aperçoit à plusieurs reprises une présence inquiétante dans le château. On lui révèle qu'il s'agit de Quint, un ancien valet... mort l'année précédente ! Un second spectre apparaît bientôt, tandis que les enfants s'avèrent bien moins innocents qu'il y paraît... L'archevêque de Canterbury conta à Henry James en 1895 une histoire d'enfants hantés par des serviteurs morts. Celui-ci s'en est inspiré pour Le Tour d'écrou

 

"Le Tour d'écrou est unanimement considéré comme le chef d'oeuvre d'Henry James. Borges a même écrit que, selon lui, "aucune époque ne possède des romans de sujet aussi admirable que Le Tour d'écrou..." Une intrigue serrée, un mode narratif subtilement ouvragé, des personnages plus vrais que nature, une atmosphère étouffante : le surnaturel rejoint le quotidien et s'impose comme une version possible de la réalité."

 

Adaptations : 

La nouvelle de James a été adaptée en bande dessinée par Henri Duphot pour les Editions Delcourt en 2009 (collection ex libris)

The Turn of the Screw (en français Le Tour d'écrou) est un opéra en anglais, en un prologue, deux actes et seize scènes, composé par Benjamin Britten. Le livret est de Myfanwy Piper, d'après la nouvelle éponyme d'Henry James publiée en 1898. La première représentation fut jouée au Teatro La Fenice de Venise, le 14 septembre 1954, dans le cadre de la Biennale de Venise.

Les Innocents (The Innocents) est un film britannique  réalisé et produit par Jack Clayton, sorti en 1961, adapté de la nouvelle d'Henry James, Le Tour d'écrou.

 

Otra Vuelta de Turca : Adaptation de la nouvelle d'Henry James, The Turn of the Screw. Après avoir quitté le séminaire jésuite de Loyola, Roberto, par l'intermédiaire du curé de sa paroisse, trouve un travail en tant que précepteur de deux orphelins, neveux du conte d'Echebarria. Réalisateur : Eloy de la Iglesia Avec Pedro Mari Sanchez, Queta Claver, Asier Hernandez, Cristina Goyanes, Luis Iriondo

 

Le film reprend l'intrigue de l'oeuvre d'Henry James, mais c'est un homme et non une femme, comme dans la nouvelle, qui s'occupe des deux enfants. Le scénariste a choisi d'expliciter dans le film ce qui n'était que suggéré dans la nouvelle. Le précepteur entre peu à peu dans le jeu de la séduction et devient le rival du domestique mort qui revient hanter la somptueuse demeure où vivent les enfants.

 

Extrait :

 

"Je vois encore Douglas, debout, le dos au feu, les mains dans les poches, le regard baissé sur son interlocuteur. Jusqu'à présent, personne d'autre que moi n'en a entendu parler. C'est par trop horrible." Plusieurs voix s'étant naturellement élevées pour déclarer que cela donnait le plus grand prix à la chose, notre ami nous regarda les uns après les autres avec un art consommé et poursuivit, ménageant son triomphe : "Cela surpasse tout. Je ne connais rien qui s'en approche." Je me rappelle avoir demandé : "Rien d'aussi franchement terrifiant ?" Il eut l'air  de dire que cela n'était pas si simple, de se trouver en peine de qualificatif. Il se passa la main sur les yeux et eut une petite grimace : "Rien d'aussi épouvantablement... épouvantable !" "Oh ! quel délice" s'écria quelqu'un - une femme." (Henry James, Le Tour d'écrou, extrait)

 

Critique :

"Le sujet est tout." affirmait Henry James. Et il ajoutait encore, dans ses Carnets rédigés de 1878 à 1911 (où il notait des résumés de faits divers) : "Plus je vais, plus intensément je me rends comte que c'est sur la solidité du sujet, l'importance, la capacité d'émotion du sujet, sur cela seul, désormais, qu'il me conviendra de m'étendre. Tout le reste croule, s'effondre, tourne court, tourne pauvre, tourne mal - vous trahit misérablement".

Voilà sans doute pourquoi Le Tour d'écrou est un chef d'oeuvre. Par la violence de son sujet, la subtilité de sa construction, la "capacité démotion" qui s'en dégage. Publié en 1898, alors que James a cinquante-cinq ans, et qu'il a déjà écrit Roderick Hudson, L'Américain, Daisy Miller, Portrait de femme, Washington square, Les Bostoniennes, Les Dépouilles de Poynton et de nombreuses nouvelles, ce récit naît d'une anecdote que lui a racontée l'archevêque de Canterbury... James vit alors en Angleterre après avoir longtemps multiplié les allers et retours entre l'Amérique et l'Europe. Depuis un an, il s'est fixé dans le Sussex où il a loué une grande maison avec un jardin, "Lamb's House" (qu'il achètera d'ailleurs en 1899). Il a engagé un secrétaire, il reçoit désormais beaucoup d'amis, de visiteurs, d'écrivains, tels que H.G. Wells et Stephen Crane, il entretient une vaste correspondance et... rêve longtemps à cette histoire de l'archevêque.

Retranscrite dans ses Carnets, elle pourrait se résumer d'abord à une situation simple : dans un vieux château, deux orphelins vivent sous la garde de deux domestiques équivoques et certainement pervers. Mais les serviteurs meurent, et "leurs fantômes, ajoute James, leurs figures reviennent hanter la maison et les enfants, à qui ils semblent faire signe... pour les inciter à se détruire, à se perdre en leur obéissant, en se mettant sous leur domination. Tout cela est obscur et imparfait - le tableau, l'histoire - mais il y a là-dedans la suggestion d'un effet, un étrange frisson d'horreur. L'histoire doit être racontée - avec suffisamment de crédibilité - par un spectateur, un observateur du dehors."

Un observateur du dehors, tout est là ! La trame du Tour d'écrou est trouvée. James va rendre l'histoire plus dramatique, plus cruelle, va imbriquer plus étroitement encore le pur et l'impur, l'innocence et la perversité, en ajoutant au fait divers initial cet "observateur du dehors" en la personne d'une jeune gouvernante attentive et dévouée qu'il place près des enfants. C'est elle qui va essayer de les arracher au pouvoir maléfique des spectres. Mieux, un nouveau filtre, un nouveau regard va approfondir encore le récit. Celui d'un ultime - ou premier - récitant au cours d'une soirée de Noël, qui nous fera connaître l'histoire à nous, les lecteurs.

Une lecture psychanalytique du Tour d'écrou peut expliquer sans doute comment la nervosité excessive, la sensibilité quasi maladive de la gouvernante troublent les enfants au point de leur faire croire à des phénomènes hallucinatoires. Mais ce serait limiter la pensée de James que de la réduire à une forme de rationalisme, quand on sait le goût immodéré que lui et sa famille entretiennent pour le surnaturel. "J'ai, dit James, Dieu merci, la tête pleine de visions. On n'en a jamais trop - jamais assez." Dans son oeuvre ne cessent de rôder les monstres, les "morts pas tout à fait morts", les âmes errantes, les fantômes que rien n'apaise. Le monde de James est étrange, exclusif, retranché dans les tourments et les ténèbres. Chez lui, tout est possible. La simple vie devient ensorcellement, jeu de miroirs promenés sur l'invisible... (Nicole Chardaire)

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