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Rémi Brague, Où va l'Histoire ? Dilemmes et espérances, (Dove va la storia ? Dilemni e speranze), Entretiens avec Giulio Brotti, traduit de l'italien par Philippe Charpentier de Beauvillé, éditions SALVATOR, 2016

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Né le 8 septembre 1947 à Paris, Rémi Brague est professeur émérite de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Titulaire de la chaire Romano Guardini à l'Université Ludwig-Maximilian de Munich de 2002 à 2012., il a reçu le prix Ratzinger en 2012. Il est notamment l'auteur de Europe, la voie romaine (Criterion, 1992), Qui est le Dieu des chrétiens ? (Salvator, 2011) ; Les ancres dans le ciel (Seuil, 2011), Modérément moderne (Flammarion, 2014) et Le règne de l'homme (Gallimard, 2015). Cest l'un des fondateurs de la revue Communio. Rémi Brague est membre de l'Institut de France. Il est connu depuis son ouvrage Europe, la voie romaine ainsi que pour ses essais sur la religion chrétienne. Ses recherches actuelles relèvent de l'histoire des idées à très long terme et de la comparaison entre christianisme, judaïsme et islam.

Giulio Brotti

Né en 1963, Giulio Brotti est docteur en philosophie, professeur de lycée et journaliste. Il a dirigé pour les Éditions La Scuola La science et Dieu, de Michael Heller (2012), et Être des personnes, de Robert Spaemann (2013).

"C'est peu dire que notre époque se caractérise par un sentiment de lassitude et de scepticisme à l'égard de l'histoire humaine : on considère même comme naïve la tentative d'y retrouver des lueurs de sens ou des raisons d'espérer.

Dans cet entretien avec Giulio Brotti, Rémi Brague se livre à un examen sans concession de cette attitude, contestant avec force bien des stéréotypes sur la relation que nous autres postmodernes entretenons avec nos racines. Les considérations philosophiques sont étroitement liées ici aux questions les plus concrètes, de dramatique actualité, comme celles de la coexistence entre les grandes religions, de la possibilité d'un dialogue avec l'islam, de la « vocation » de l'Europe, de l'avenir des biotechnologies et de la tentation - qui s'insinue dans la culture de notre temps - d'« en finir avec l'homme », au nom d'un idéal de perfection mortifère.

Ce livre est aussi l'occasion pour Rémi Brague de revenir sur son parcours intellectuel, lui qui se définit volontiers comme « modérément moderne », selon l'expression d'une de ses publications récentes."

Table des matières :

Notice biobibliographique - Chapitre I. La vie des idées - Chapitre II. des tangentes au cercle - les religions dans le temps - Chapitre III. les malentendus de la modernité - Chapitre IV. Renoncer à l'homme ?
 

Extrait de l'introduction :

"Sous forme d'interview, ce livre voudrait aussi constituer une introduction générale à la pensée de Rémi Brague. Les questions et réponses ont été concentrées sur quelques points saillants, répartis en quatre chapitres :

- dans le premier ("La vie des idées"), on s'est arrêté sur l'actuelle situation de crise de la mémoire historique et sur le sens que Brague attribue à l'étude non seulement des concepts philosophiques et scientifiques, mais, plus généralement, des "représentations collectives" des époques passées.

- le titre du second ("Des tangentes au cercle : les religions dans le temps") paraphrase une célèbre expression  de Karl Barth, selon laquelle, dans le Christ, le monde divin rencontrerait le monde humain "comme la tangente un cercle", sans le toucher (en d'autres termes sans se confondre avec lui). Dans cette partie, on prend au sérieux la "prétention à la vérité" de l'expérience religieuse et on considère sous l'angle historique les rapports entre le judaïsme, le christianisme et l'islam ;

- Dans le troisième chapitre ("Les malentendus de la modernité"), Brague scrute de manière critique le stéréotype (ressassé au point de sembler évident) selon lequel la révolution scientifique des XVI-XVIIème siècles aurait marqué une rupture radicale avec une vision "naïve" du cosmos, censée avoir été celle du Moyen-Âge. A l'idée d'une "fracture", le chercheur français oppose celle d'une "articulation", d'un développement, c'est-à-dire que les aspects de l'innovation vont toujours de pair avec ceux de la continuité.

- Dans le dernier chapitre ("Renoncer à l'homme ?"), on affronte les implications et les incidences de la question anthropologique sur une époque apparemment encline à la refouler ou à la "déconstruire". En partant de la célèbre prophétie de Michel Foucault d'une prochaine disparition de l'homme (destiné à être supprimé "comme un visage de sable à la limite de la mer"), Brague examine les particularités et les contradictions d'une culture - la nôtre - qui semble nourrir "une certaine insatisfaction devant l'humain : devant l'humain en tant que tel, et non devant telle ou telle de ses réalisations, toujours déficientes, voire devant les horreurs dont l'histoire nous livre le témoignage." (pp.16-18)

Notes de lecture :

Introduction :

L'Histoire a-t-elle un sens ?

L'auteur met en exergue au début de l'introduction une citation de Karl Jaspers : "Il ne faut pas diviniser l'Histoire. Nous ne sommes pas forcés d'admettre la formule impie qui fait de l'Histoire universelle le Jugement dernier. Elle n'est pas l'instance suprême." (Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, Jeanne Hersch, Plon, 1951, p.150)

"Le point de départ des entretiens avec Rémi Brague qui composent ce livre fut une réflexion sur (...) un état d'esprit à la mode aujourd'hui : un scepticisme diffus envers l'Histoire humaine."

"Les prétentions "totalisantes" des philosophies rationnalistes du XIXème siècle étant abandonnées depuis longtemps - depuis, exactement, celle de l'idéalisme absolu de Hegel -, faut-il effectivement se résigner à regarder l'Histoire humaine comme un enchevêtrement chaotique de "processus sans sujet", dominés par des forces impersonnelles, ou bien, pour citer le célèbre monologue d'un personnage de Shakespeare, comme "un conte dit par un idiot, plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien" (Macbeth) ? Afficher l'image d'origine

En finir avec l'Histoire (la postmodernité)

  • En refusant de donner la vie (la question n'est plus de savoir si la vie mérite d'être vécue, mais si elle mérite d'être donnée.)
  • En résorbant l'humain dans la nature (Avatar de James Cameron, "humanimaux" de Matthew Barney)
  • En "corrigeant" l'homme au moyen de la technologie (le "transhumanisme")

Les "passages de sens"

"Dans le clair-obscur des vicissitudes humaines, on peut entrevoir des "passages de sens", des points de rapprochement du bien et du vrai, même si ces acquis restent précaires, toujours exposés au danger de l'oubli et de forces régressives." (p.15)

Vérité et historicité

"Une relation possible de l'homme à la vérité serait (donc) comme une approche, et non pas comme une possession ; elle entrera nécessairement dans les limites spatio-temporelles d'une perspective historique. cela dément de la sorte le dispositif mental par lequel la plupart du temps, nous nous représentons l'historicité et la vérité comme s'excluant, car nous nous imaginons la vérité comme quelque chose d'immuable, et nous réduisons l'historicité au simple changement, au "tout passe." (p. 15-16)

Sortir du "ou bien ou bien" :

  • L'Histoire a un sens (Hegel, Marx)/L'Histoire n'a pas de sens (Shakespeare, la postmodernité).
  • Il n'y pas d'Histoire dans la vérité (la vérité est immuable)/Il n'y a pas de vérité dans l'Histoire.

"Il s'agit de rendre justice à la vérité des auteurs et des textes, en les libérant des clichés et des malentendus ultérieurs.

Exemples : Le Moyen-Âge comme "âge obscur", les rapports entre le christianisme de l'époque et l'islam, l'importance de la révolution scientifique de l'époque moderne, les différences de fond entre les religions dites "monothéistes".

Chapitre I. "La vie des idées" :

Vicissitudes du rapport à l'Histoire

Giulio Brotti explique (p. 19) que le fil conducteur de son entretien avec Rémi Brague lui a été inspiré par le titre d'une oeuvre de Nicolas Berdiaev, Le sens de l'Histoire, Essai d'une philosophie de la destinée humaine (1923).

Rémi Brague met l'accent sur des attitudes contradictoires concernant l'Histoire :

  • Le scepticisme vis-à-vis de l'Histoire
  • Le fait que l'enseignement universitaire est fondé sur une perpective historique
  • L'ignorance historique des "décideurs"
  • L'ambivalence de l'attitude générale envers l'Histoire : nous l'aimons comme objet de "tourisme chronologique" et comme réservoir de "diversités culturelles", mais nous nous en éloignons dans la mesure où nous retrouvons en elle des traditions dont nous voulons nous libérer.

Une troisième voie ?

Entre un "providentialisme" de type hégelien et un relativisme historique, Rémi Brague envisage une "troisième voie" : l'Histoire comme lieu d'émergence de sens possibles (non inévitables), d'épiphanies qui restent exposées au risque de l'oubli et du refoulement.  Il donne l'exemple de la pensée de Parménide et de l'avénement de la démocratie. (p.36-37)

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Karl Jaspers, né à Oldenburg le 23 février 1883 et mort à Bâle le 26 février 1969, est un psychiatre et philosophe allemand représentatif de l'existentialisme chrétien.

La période axiale

On fait remonter par convention le début de l'Histoire humaine à l'invention de l'écriture. Bragues approuve l'idée de Jaspers d'une "période axiale" (Achsenzeit) compris entre 800 et l'an 200 avant Jésus-Christ, celui de la naissance de la philosophie et des premières religions universelles (les prophètes d'Israël, les philosophes grecs, Zarathoustra, Confucius).

"L'être jeté" (Geworfenheit)

Brague examine le concept heideggerien de "Geworfenheit" ("l'être-jeté" dans le monde) dont il évoque les résonnances gnostiques, mais que l'on retrouve également, selon lui, chez Kierkegaard, dans le personnage de Don Quichotte de Cervantès et chez Napoléon, celui qu'on a pris pour le type même de l'homme moderne. (p.45)

"L'expérience religieuse est liée à une cosmologie et à une anthropologie, mais elle n'en dépend pas du tout. C'est plutôt le contraire : elle produit une certaine façon de voir le monde et l'homme." (p.48)

La culture européenne n'est pas "normale"

Brague distingue deux dispositifs culturels fondamentaux : la "digestion" (paraphrase des auteurs anciens) et "l'inclusion". Selon lui, la culture européenne n'est pas "normale" car elle accepte d'introduire en elle des éléments qui lui restent étrangers (inclusion). Brague donne l'exemple de l'enseignement des langues anciennes et la pratique du commentaire. (p.50)

La science n'est pas "intéressante"

La science (mais aussi les textes, le savoir littéraire, historique ou artistique) ne nous disent rien sur la manière dont nous devons nous comporter, sur le bien et le mal... Le monde révélé par la science est intéressant dans la mesure où il rapporte (la technique) et où il fascine, mais il  n'est pas "intéressant" dans le sens où il ne nous dit rien sur nous-mêmes, alors que la grande littérature (Oedipe roi, Le Misanthrope) y parvient. Le monde des penseurs du Moyen-Âge était "intéressant" dans la mesure où il fournissait une "aide pour épanouir son humanité, un modèle à l'action morale où, au moins, une garantie que cette action avait un sens." (p.53)

A l'opposé, le monde décrit par les sciences modernes est totalement "inhumain", ou mieux : "a-humain". La beauté des galaxies ne nous concerne pas vraiment. Les qualités intellectuelles et morales qu'apportent la pratique de la science sont favorisés par d'autres activités, comme la musique. Il faut distinguer entre la pratique de la science et le savoir qu'elle apporte. La première est formatrice, le second ne l'est pas.

Histoire cyclique et Histoire linéaire

"Opposer une vision "grecque", cyclique de l'histoire à une vision "linéaire", biblique, est devenu un lieu commun. Toutefois, la chose ne manque pas de fondement." (p. 56) Rémi Brague évoque les étapes de la conception linéaire (judéo-chrétienne) de l'Histoire, depuis Isaïe, jusqu'à saint Augustin, en passant par saint Paul.

C'est l'historien latin Polybe qui  inaugure, selon lui,  la philosophie de l'Histoire en interprétant la marche de l'Histoire universelle comme orientée téléologiquement vers la domination par Rome du bassin méditerrannéen. Polybe légitime la domination romaine en démontrant qu'elle répond à une nécessité historique à laquelle il serait vain de s'opposer. (p.58)

"La loi de Dieu"

Giulio Brotti interroge Rémi Brague sur la notion de loi. Le mot "loi" est polysémique. Il désigne en fait trois réalités distinctes :

  • La loi morale (la voix de la conscience)
  • La loi positive de l'Etat
  • Les lois de la nature

La référence à l'ordre du "kosmos" ne fournissait pas de règles immédiatement applicables, mais l'ordre supralunaire garantissait la légitimité de l'effort humain vers le Bien (l'identité de l'Etre avec le Beau et le Bien ou la "convertibilité des transcendantaux")

C'est par une sorte d'abus de langage que l'on parle de "lois naturelles", mais l'analogie entre lois morales et lois physiques a l'avantage de suggérer que la morale consiste aussi à respecter les conditions qui permettent la vie.

Eric Hobsbawm, né le 9 juin 1917 à Alexandrie et mort le1er octobre 2012 à Londres, est un historien britannique. Membre à partir de 1936 du Parti communiste de Grande-Bretagne, il collabora jusqu'en 1991 à la revue Marxism Today. Il a beaucoup travaillé sur la question des nations et des nationalismes en Europe au XIXe siècle et au XXe siècle ainsi que sur l'invention des traditions par les nations. Hobsbawm a introduit la notion de « Long XIXe siècle » pour qualifier la période allant de 1789 (Révolution française) à 1914 (veille de la Première Guerre mondiale), période marquée par des conflits issus de la Révolution.

R.B. commente un jugement de l'historien britannique Eric John Ernest Hobsbawn, selon qui la destruction du passé, "ou mieux la destruction des mécanismes sociaux qui connectent l'expérience des contemporains à celle des générations précédentes" est l'un des phénomènes les plus typiques et des plus étranges du XXème siècle.

Lord Emerich Edward Dalberg Acton.jpg

John Emerich Edward Dalberg-Acton (10 janvier 1834 - 19 juin 1902), premier baron Acton, dit Lord Acton, est un historien et homme politique britannique d'origine italo-allemande, qui joua un grand rôle au XIXe siècle dans les discussions concernant le rôle de l'Église catholique dans le mouvement de libéralisation.

Le déterminisme historique

"Les historiens ne sont-ils pas toujours exposés au risque d'une maladie professionnelle spécifique, qu'on appelle le "déterminisme" ? L'histoire passée n'est-elle pas aussi, au contraire l'Histoire des possibilités non réalisées, des routes qu'on aurait pu prendre et qu'on a ensuite écartées, comme le suggère le genre littéraire de l'"uchronie" (de "l'Histoire contrefactuelle", selon une formule venue du monde anglo-saxon) ?" (p.65)

R.B. : que se serait-il passé si Alexandre Le Grand s'était tourné vers Rome plutôt que vers la Perse, si Carthage avait vaincu Rome, si Hitler avait été tué à la naissance, si Napoléon avait été autrichien ?

Loin d'être futiles, ces hypothèses permettent de tirer certains enseignements de l'Histoire. Par exemple de comprendre la naissance de la liberté civile en Occident : "C'est là ce conflit de quatre cents ans entre l'Eglise latine et l'Empire d'Occident que nous devons la naissance de la liberté civile. Si l'Eglise avait continué à soutenir les trônes des rois, qu'elle consacrait, ou si la lutte s'était rapidement terminée par la victoire d'un seul parti, toute l'Europe se serait enfoncée sous un despotisme byzantin ou moscovite." (Lord John Emerich Edward Acton, History of Freedom in Christianity)

R.B. se réfère à Bergson qui dénonce "l'illusion rétrospective" "par laquelle nous croyons trouver dans le passé ce qui prépare le présent, en oubliant que c'est justement le présent qui nous fait voir dans le passé ce qui nous semble gros d'avenir."

Note : Dans La vie de l'Esprit, Hanna Arendt consacre un chapitre entier, le chapitre 12, à Duns Scot "le philosophe de la contingence", auquel elle rend un hommage appuyé. L'enjeu pour Duns Scot est de "sauvegarder la liberté" et l'on sent bien qu'elle partage le souci du "docteur subtil". A propos des deux dernières guerres, elle s'étonne par exemple que la plupart des historiens évoquent ces événements comme s'ils n'eussent pas pu ne pas se produire, "chaque théorie sélectionnant une cause unique". Or, remarque Hannah Arendt "rien n'est plus plausible que la coïncidence de plusieurs causes, auxquelles une dernière est venue s'ajouter ; dans la "cause contingente" des deux explosions." (p. 446)

L'illusion de la nécessité vient du fait que nous considérons les événements une fois qu'ils se sont produits et nous avons du mal à nous débarrasser de l'idée qu'ils eussent pu ne pas se produire ou se produire autrement. "Tout ce qui est passé est absolument nécessaire." affirme Duns Scot, mais ce n'est pas pour autant que tout ce qui s'est passé s'est produit nécessairement : "Tout ce qu'on peut dire de l'actuel c'est que, de toute évidence, il n'était pas impossible ; on ne pourra jamais prouver qu'il était nécessaire, pour la seule raison qu'il se révèle maintenant infaisable d'envisager un état de fait dans lequel il ne s'était pas produit." (p. 447)

Les sujets de l'Histoire

Cette question oblige à s'en poser une autre qui porte sur les sujets (acteurs) des processus historiques. Un sujet historique produit-il des effets en tant que tel ou non ? R.B. donne l'exemple des croisades : une religion par soi-même est-elle facteur de violence ? R.B. explique que les croisés qui commettaient des massacres n'étaient pas fidèles aux enseignements du fondateur du christianisme.

La Renaissance

La Renaissance, selon R.B. est un merveilleux exemple de la façon dont l'Histoire humaine reste ouverte, mais la façon dont les acteurs comprenaient leurs actions n'a souvent rien à voir avec ce qu'elles ont produit. R.B. donne l'exemple de la Réformation protestante qui a abouti au contraire des intentions de Luther, à savoir la sécularisation de l'Occident, "en passant par la réduction de Dieu à un objet capable de susciter le sentiment religieux." (p.71)

L'un des bienfaits de la Renaissance fut la  redécouverte de Platon. R.B. pense qu'il y a des choses à tirer de Platon pour notre époque, notamment l'idée du Bien qui, selon lui, ne se réduit pas au "bien faisable" (Aristote). R.B. parle de la nécessité du Bien "en soi" pour que l'humanité continue simplement à exister.

Chapitre II. Des tangentes au cercle : les religions dans le temps

Le christianisme est une religion historique

Les hommes font tous l'expérience du temps, mais toutes les cultures humaines de vivent pas historiquement. R.B. insiste dans ce début de chapitre sur le caractère "historique" du christianisme, "mythe devenu fait" (C.S. Lewis)... "Les récits sur le Christ dans les Evangiles canoniques gardent toute la richesse des mythes, mais ils sont, en même temps, des compte-rendus très factuels d'événements très humbles, voire ignobles comme une crucifixion. (p.78)

Le rapport au temps dans le judaïsme, le christianisme et l'islam

  • "L'application scrupuleuse de la Torah permet de vivre l'éternité dans le temps quotidien." (p.79)
  • Le christianisme connaît quelque chose de semblable avec l'année liturgique, mais avec l'idée audacieuse qu'en J.C., Dieu a donné tout ce qu'il est : quelque chose entre dans le temps qui n'appartient pas au temps.

Il ne peut pas y avoir une philosophie chrétienne de l'Histoire." (p.81)

Le christianisme représente un désenchantement radical du temps historique. Par exemple, le pouvoir politique ne peut jamais être érigé en absolu, idolâtré.

  • L'islam, de son côté a peut-être commencé par une annonce prophétique de nature apocalyptique. "L'islam a un rapport très particulier avec le temps qui l'amène à privilégier la période primitive, celle du règne personnel de Dieu à travers son prophète, à Médine, et à concevoir ce qui a suivi comme nécessairement moins parfait." (p.82)

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Le problème-clé de l'islam

"Le problème-clé de l'islam, la clé de voûte qui tient tout, c'est le dogme du Coran dicté par Dieu, non crée, et donc échappant aux limitations dues à un lieu et à une époque données. ce qu'on reproche souvent à l'islam, la prétendue "confusion du politique et du religieux", dérive du statut de la révélation divine, consignée en un "livre infaillible". (p.83)

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Averroès ou Ibn Rochd de Cordoue (arabe : ابن رشد, Ibn Rochd) est un philosophe, théologien rationaliste islamique, juriste, mathématicien et médecin musulman andalou de langue arabe du XIIe siècle, né en 1126 à Cordoue, en Andalousie, et mort le à Marrakech,

Averroès

Averroès de Cordoue est-il "un libre-penseur capable de préfigurer les lointains arguments d'un Hume encore problématique comme nous le lisons dans un célèbre récit de Borgès" ?

R.B. situe Averroès par rapport à Avicennes et à al-Ghazali et montre que l'on a confondu les deux penseurs en attribuant à Averroès ce qui appartient al-Ghazali. le vrai Averroès était un aristotélien convaincu dont l'attachement à la physique et à la cosmologie du stagirite a plutôt retardé le progrès du savoir ; il apparaît comme un homme "pas spécialement tendre", partisan du jihad et de l'élimination des handicapés et défenseur attitré de l'orthodoxie, le contraire d'un avocat de la "tolérance".

La lumière vient-elle de l'Orient ?

"La représentation mentale selon laquelle "la lumière vient de l'Orient (ex Oriente lux) hante les esprits occidentaux, et a été reprise, par exemple, par les slavophiles russes au XIXème si-cle. Elle est vraie et fausse à la fois, selon la période à laquelle on se réfère et selon l'endroit où l'on place ce fameux "Orient". (p.90)

"Il y a toujours plusieurs mythe orientalistes sur le marché selon les époques. On a eu parfois tendance à minorer le rôle des Arabes, ce qui était très injuste. Aujourd'hui, le balancier est reparti dans l'autre sens et certains (...) voudraient nous faire croire que l'Europe doit tout à l'islam. Comme souvent, la vérité est entre les deux, dans cet espace gris où l'on pose des questions précises - qui ? quoi ? où ? quand ? comment ? pourquoi ? - et où l'on n'obtient que des réponses partielles et toujours à corriger..." (p.93)

Le dialogue interreligieux

R.B. : "Quand j'entends le mot dialogue, j'ai tendance à sortir, sinon mon revolver, en tout cas mon scepticisme." (p.95)

Selon R.B., un dialogue authentique ne peut pas reposer, comme c'est trop souvent le cas, sur des erreurs et des malentendus comme la notion de "monothéisme" qui sert à dissimuler de profondes différences entre plusieurs conceptions de la divinité.

Frédéric II et son faucon représentés dans son livre De arte venandi cum avibus (De l'art de chasser au moyen des oiseaux)

Frédéric de Hohenstaufen (Frédéric II, en tant qu'empereur des Romains), né le 26 décembre 1194 à Jesi près d'Ancône et mort le à Fiorentino (près de San Severo), régna sur le Saint-Empire de 1220 à 1250. Il fut roi de Germanie, roi de Sicile et roi de Jérusalem.

G.B. donne plusieurs exemples de dialogue qui auraient été "réussis" : entre saint François et le sultan al-Kamil à Damiette, le Dialogus inter Philosophum, Judaeum et Christianum d'Abelard et la négociation diplomatique entre Frédéric II Hohenstaufen et le même al-Kamil. "Ce que nous apprennent les négociations entre Frédéric II et al-Kamil est que l'on peut s'entendre avec des responsables musulmans pour peu que l'on parle des mêmes choses (...) alors que la figure d'Abraham a pour les différents interlocuteurs des significations incompatibles." (p.99)

Il n'y pas "d'Histoire du salut" dans l'islam

"Le Coran raconte des histoires, celles des prophètes antérieurs à Mahomet, empruntés à la Bible ou aux légendes arabes, mais il ne raconte pas une histoire, comme le fait la Bible (...) Le Coran ne fournit pas d'indications sur l'ordre chronologique des personnages qu'il introduit." (p.102)

Les variations de la mémoire dans les trois grandes religions révélées

Selon R.B., il faut prendre avec précaution les expressions "religions révélées" ou "religions d'Abraham" qui créent la confusion et révèlent une proximité inexistante.

  • Dans l'Ancien Testament, Dieu se révèle en agissant dans l'Histoire.
  • Pour le christianisme, c'est Dieu qui se donne une figure visible en Jésus de Nazareth
  • Pour l'islam, Dieu ne se révèle pas soi-même, mais il manifeste sa volonté à travers son prophète.

Il faut distinguer entre la religion d'Israël et le judaïsme rabbinique. Chez les penseurs juifs contemporains (Leibowitz, Lévinas), la Torah prend une place centrale et relègue au second plan le problème de son origine divine. (p.102-106)

Le Christ au siècle des Lumières

"Le siècle des Lumières s'est montré à l'égard de la figure du Christ d'une cécité étrange, même étonnante. On est consterné à la lecture de ce que certains auteurs du XVIIIème siècle disent de lui, et de Dieu - aussi bien chez les adversaires que chez les apologistes du christianisme." (p.107)

"Nous disposons d'un thermomètre très précis pour mesurer la qualité d'un siècle : ce sont la qualité et le style des saints qu'il produit." (p.108)

"La réduction du Christ à un maître de morale jure avec les Evangiles d'une manière tellement criante qu'on en reste abasourdi." (p.109)

L'iconoclasme

L'iconoclasme a une longue histoire. elle se prolonge jusqu'à nos jours, en particulier dans l'art contemporain, prétendant étouffer dans l'oeuf l'idolâtrie, il débouche en fait sur la pire idolâtrie : celle qui s'adore soi-même. Les artistes expriment le paradoxe de l'économie chrétienne du salut : la mort (Holbein) et la résurrection (les Pantocrators byzantins). Il est impossible d'exprimer ces deux aspects dans la même oeuvre.

"Jésus n'apporte pas de message, il "est" le message qu'il apporte." (p. 112-113)

Le visage du Christ

"L'Esprit rend visible Jésus comme Christ et envoyé du Père invisible. Mais s'il y a une chose que nous ne pouvons pas et ne pourrons jamais voir, c'est bien la lumière. Nous ne pouvons voir que les objets éclairés. C'est pourquoi l'Esprit, si l'on peut dire, s'efface devant le Christ, reste dans l'ombre, ne réclame pas qu'on parle de lui..." (p.115)

"Le visage du Christ ne saurait être faite de main d'homme, acheiropoiète, comme disent les théoriciens byzantins de l'icône (...) on voit le paradoxe : une oeuvre à la fois censée exprimer une subjectivité humaine souverainement singulière sans pour autant provenir d'une main humaine." (p.117)

Selon R.B., l'alliance choquante de ces deux idées pourrait nous fournir une clé capitale pour comprendre la contradiction qui mine la modernité de l'intérieur : "l'action humaine y est comprise comme portée par un agent comme le Progrès, l'Histoire ou le "sens" de celle-ci. Cet agent est plus qu'humain, il est censé être infaillible et donc garantir la réussite de nos entreprises. Mais sa divinité reste innommée ; elle ne peut être l'objet d'une invocation, encore moins le sujet qui assignerait à l'homme une tâche déterminée." (p.118)

Chapitre III. Les malentendus de la modernité

Du Moyen-Âge aux temps modernes

L'idée d'une opposition entre le Moyen-Âge et les "temps modernes" est un héritage de la philosophie des Lumières et de la Révolution française. R.B. essaye de distinguer plusieurs seuils, situés dans diverses régions et à des époques différentes. La lumière de la Renaissance n'a pas succédé à l'obscurité du Moyen-Âge. On constate par exemple à la Renaissance une résurgence de la magie que le Moyen-Âge avait relégué. A la Renaissance, la philosophie de la nature est fondée sur l'idée de correspondances symboliques entre des êtres liés par une sympathie mutuelle et très peu par une physique mathématisée. Entre la science modernes et les spéculations médiévales, il y a moins rupture qu'articulation.

Critique de l'autosatisfaction

"Il y a une chose qui m'énerve particulièrement, soit chez les personnes, soit dans les collectivités, c'est la tendance à l'autosatisfaction. Cette attitude culmine dans la façon dont la Modernité raconte sa propre histoire comme celle d'un irrésistible progrès vers... elle-même." (p.124)

Rémi Brague donne comme exemple la légende des trois blessures successivement infligés au narcissisme humain par Copernic, Darwin et Freud ou l'idée que le modèle héliocentrique de Galilée représenterait une humiliation pour l'orgueil humain.

La notion de "Progrès"

"L'idée du Progrès avec un "P" majuscule, telle qu'elle est apparue au XVIIIème siècle avec des gens comme Turgot ou Condorcet, se fonde sur une généralisation de ce que l'on peut observer dans le domaine du savoir à l'ensemble des réalités humaines." (p.130)

Rémi Brague montre que cette idée est illusoire : "On peut très bien admettre que le savoir humain avance par accumulation constante, sans pour autant devoir en tirer l'idée d'une avancée globale du genre humain vers un mieux aussi irrésistibe qu'irréversible." (p.130)

R.B. montre d'ailleurs que l'idée d'un savoir cumulatif dans l'Histoire des sciences doit être relativisé. Il donne comme exemples Archimède, Francis Bacon, Blaise Pascal et Newton.

"L'histoire des sciences oscille entre deux modèles : soit l'histoire conçue téléologiquement, soit la biographie des savants concrets, avec leurs hésitations, leurs rechutes, parfois leurs lubies." (p.133)

La connaissance divine

"La question de savoir comment les connaissances humaines se distinguent de la connaissance du Dieu créateur a de son oeuvre, agite toute la pensée moderne." (p.136)

La recherche des "causes finales"

(...) Pour les êtres humains que nous sommes, comprendre quelqu'un, c'est comprendre pourquoi il agit, c'est savoir ce qu'il poursuit comme but (en grec, telos). Abandonner la considération des causes finales, c'est renoncer à comprendre." (p.138)

R.B. examine les effets négatifs de l'abandon des causes finales dans le domaine de la biologie et de la cosmologie.

Etonnement et émerveillement

R.B. constate un certain retour à une attitude purement théorique, en astronomie et en physique. Le rêve d'une réconciliation de la science moderne, post-galiléenne et d'une vision globale du monde a tourné court avec la théorie des couleurs de Goethe et l'anthroposophie de Rudolf Steiner.

L'étonnement devant la nature dont parler Aristote doit le céder à la certitude une fois la connaissance acquise. La science de la nature ne peut offrir que de l'indéfini et non de l'infini. Il n'est pas nécessaire de chercher cet infini très loin, alors qu'il est donné dans l'expérience quotidienne du "prochain".

Chapitre IV. Renoncer à l'homme ?

De la disparition théorique à la disparition physique

Rémi Brague évoque le thème de la disparition de l'homme qui serait, selon Michel Foucault (Les Mots et les Choses) destiné à être "déconstruit" par les sciences humaines. Selon Foucault (qui se défend de prophétiser la suppression physique de l'homme), l'homme ne représente plus pour les sciences humaines (linguistique structurale, sociologie, psychanalyse) un objet consistant, dans la mesure où elles ne présupposent plus l'existence d'un sujet libre et conscient.

Rémi Brague ne s'en demande pas moins s'il n'y aurait pas un lien entre la négation théorique de l'humain et sa négation pratique.

Les neurosciences

Les neurosciences vont dans le même sens que Michel Foucault en annonçant la dissolution de la conscience et de ses prérogatives traditionnelles (liberté, créativité, responsabilité) en faveur de l'activité du néocortex cérébral.

"Il est amusant de voir réapparaître la tentation de faire d'une science particulière une science universelle chaque fois qu'une science récemment apparue se prend elle-même pour la clef capable d'ouvrir toutes les portes." (p.150)

La disparition de la promesse et du don

"Il faut replacer la foi religieuse et les difficultés qu'elle rencontre actuellement dans un contexte plus vaste, celui de l'engagement en général et du don." (p.152)

"le christianisme n'ajoute rien à l'humain, mais il le prend au sérieux dans ses dimensions les plus profondes." (ibidem)

"La tentation consiste à se croire incapable de recevoir de Dieu l'aide (la Grâce) qui nous permettrait de réaliser la plénitude de notre humanité.

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Rémi Brague évoque la nouvelle de Michel Houellebecq, Lanzarote dans lequel le personnage central s'avère incapable d'aimer et abandonne sa compagne une fois que celle-ci tombe gravement malade. (p. 154)

Il cite également le philosophe russe Soloviev : "Pour croire en autrui et en faire l'objet d'un amour authentique, il faut d'abord croire en soi-même et il faut plus radicalement encore croire en Dieu." (ibidem)

Les fondements moraux de la démocratie

Rémi Brague fait référence à Ernst Wolfgang Böckenförde, selon qui la démocratie vit de valeurs qu'elle est incapable de garantir elle-même.

Il se réfère également à Théodor Adorno et à Max Horkenheimer (Ecole de Francfort) qui expliquent dans La dialectique des Lumières que la culture moderne, dans son effort pour s'émanciper du passé, favoriserait l'avènement d'une rationalité technique, purement instrumentale.

Il reprend également à Péguy et à Chesterton la métaphore du "parasite" pour évoquer le rapport entre la modernité et les âges qui l'ont précédé.

La modernité a produit un certain type d'homme que José Ortega y Gasset appelle "l'homme masse" "qui vit de ce qu'il nie, et de ce que les autres construisirent et accumulèrent." (p.158)

La question est de savoir si la "laïcité" à la française pourra tenir face à l'effondrement des repères moraux séculiers et à la montée de l'islam.

Ambiguïté de la notion de "valeur"

R.B. critique la notion de "valeurs" (on retrouve la même critique chez Heidegger) ; selon lui, le mot "valeur" est piégé. "Il insinue un radical subjectivisme selon lequel c'est nous qui donnons le prix aux choses." (p.159)

Il évoque la position de Charles Maurras, chef de file de l'Action française et disciple d'Auguste Comte pour lequel la disparition du pouvoir spirituel de l'Eglise constitue le "drame de notre temps". Maurras glorifie l'Eglise catholique en tant que "pouvoir spirituel" garant de l'ordre politique et moral. Brague montre que cette attitude peut aller de pair avec un agnosticisme de fond (c'était le cas de Charles Maurras) et un mépris pour "les Evangiles de quatre juifs obscurs" et la personne du Christ.

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Charles Maurras, né le à Martigues (Bouches-du-Rhône) et mort le à Saint-Symphorien-lès-Tours (Indre-et-Loire), est un journaliste, essayiste, homme politique et poète français, théoricien du nationalisme intégral.

Il évoque aussi le mouvement des "athées dévôts" italiens et des "athées fidèles" en France (André Comte-Sponville) : "Ils me sont sympathiques tout simplement parce que ce qu'ils disent est vrai, à savoir que l'apport du christianisme à la civilisation européenne et à son rayonnement dans le monde entier a été positif. Il faut donc les encourager." (p.161)

Brague fait cependant remarquer que la civilisation chrétienne n'a pas été bâtie par des gens qui croyaient au christianisme, mais par des gens qui croyaient au Christ.

Historicité, vérité, subjectivité

La culture postmoderne semble a priori hostile à ces trois notions. "Or l'historicité, c'est-à-dire le fait que nous vivons une existence historique, que nos actions créent une histoire - suppose que nous soyons les sujets de notre histoire, et non pas entraînés par un courant irrésistible vers une destination inconnue." (p.163)

"... quant à la vérité, il est devenu de bon ton de la mépriser, de la croire dangereuse." (ibidem)

"(...) L'idée d'humanisme se vide si elle ne repose pas sur l'idée que l'homme peut avoir accès à la vérité, qu'il est un sujet libre et responsable et créateur de son Histoire." (p.164)

Nature, culture, histoire

R. Brague explique que contrairement à une idée reçue, la culture europennne n'est pas "européocentrique", mais "excentrique". (p.166)

Il explique que certains chercheurs comme Lévi-Strauss ont pour but de "naturaliser" les phénomènes qui relèvent de l'esprit humain.

Le dépassement de la dichotomie nature/culture

R.B. analyse la tendance postmoderniste à la divinisation de la terre, alors qu'on la réduit dans la réalité au statut de réservoir de matière première et d'énergie.

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L'ingénierie génétique

Darwin avait suggéré que l'évolution n'était pas terminée et que l'avenir pourrait encore perfectionner l'homme. On est maintenant tenté d'accélérer le cours patient de la nature par la technique.

L'idée n'est plus de "corriger" l'homme, mais de le changer.

La vie vaut-elle la peine d'être donnée ?

"Ce pour quoi nous avons absolument besoin que la vie ait sens et valeur, c'est pour qu'il soit légitime de la transmettre à autrui, en l'occurrence aux générations postérieures." (p.177)

Les contradictions de la liberté

"D'un côté, la liberté individuelle est célébrée comme la seule valeur indiscutable a priori, d'un autre côté, sur le plan de la connaissance théorique, on tend à déconstruire notre liberté de choix en la réduisant à des causes biologiques ou à des conditionnements environnementaux de différents types." (pp. 177-78)

"Ce que nos contemporains entendent par liberté, c'est, en fait, l'abandon à la plus totale servitude. L'illusion d'une telle liberté est déjà dénoncée par Spinoza, avec l'exemple de la pierre que l'on dit "en chute libre". De nos jours, et plus concrètement, il s'agit de la liberté du travailleur-consommateur, livré pieds et poings liés à des désirs qu'il croit siens, alors qu'ils ont été induits en lui par la publicité, au sens de la réclame ou simplement de l'esprit public." (p. 178-79)

 

 

 

 

 

 

 

 

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