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Hume, l'idée de connexion nécessaire (Enquête sur l'entendement humain)
Hume, l'idée de connexion nécessaire (Enquête sur l'entendement humain)

L'oeuvre : 

L’Enquête sur l’entendement humain (An Enquiry concerning Human Understanding en anglais), est une œuvre philosophique du philosophe empiriste écossais David Hume, publié en 1748. Cet ouvrage est la simplification d’une œuvre précédente, le Traité de la nature humaine publié sans nom à Londres en 1739-1740. Déçu par la réception du Traité de la nature humaine, l’Enquête sur l’entendement humain, plus courte et plus polémique que son précédent ouvrage, constitue une nouvelle tentative, de la part de Hume, de diffuser ses idées parmi le public. L’Enquête écarte une grande partie du matériel du Traité pour en éclaircir et en souligner les aspects plus importants. Par exemple Hume ne fait pas figurer son point de vue quant à l’identité personnelle ou sur la conscience mais à l’inverse ses arguments traitant du rôle de l’habitude sur la causalité, fondements de sa théorie de la connaissance, sont retenus.

L'auteur :

David Hume (7 mai 1711  - 25 août 1776) est un philosophe, économiste et historien écossais. Il est considéré comme un des plus importants penseurs des Lumières (avec Adam Smith et Thomas Reid) et est un des plus grands philosophes et écrivains de langue anglaise. Fondateur de l'empirisme moderne (avec Locke et Berkeley), l'un des plus radicaux par son scepticisme, il s'opposa tout particulièrement à Descartes et aux philosophies considérant l'esprit humain d'un point de vue théologico-métaphysique : il ouvrit ainsi la voie à l'application de la méthode expérimentale aux phénomènes mentaux. Son importance dans le développement de la pensée contemporaine est considérable : Hume eut une influence profonde sur Kant, sur la philosophie analytique du début du xxe siècle et sur la phénoménologie. On ne retint pourtant longtemps de sa pensée que le scepticisme destructeur ; mais les commentateurs de la fin du xxe siècle se sont attachés à montrer le caractère positif et constructif de son projet philosophique.

Le texte : 

"Il apparaît alors que cette idée de connexion nécessaire entre les événements naît du nombre de cas semblables où se présente la conjonction constante de ces événements, et que cette idée ne peut jamais être suggérée par aucun des cas que l'on considérait sous tous les jours et positions possibles.

Mais dans un nombre donné de cas, il n'y a rien qui diffère de chaque cas isolé qu'on suppose exactement semblable aux autres ; sauf seulement qu'après la répétition de cas semblables l'esprit est porté, par habitude, à l'apparition d'un événement, à attendre celui qui l'accompagne habituellement et à croire qu'il existera.

Cette connexion que nous sentons en notre esprit, cette transition coutumière de l'imagination d'un objet à celui qui l'accompagne habituellement est donc le sentiment et l'impression d'où nous formons l'idée de pouvoir ou de connexion nécessaire. Il n'y a rien de plus en l'occurrence.

Considérez le sujet de tous les côtés, vous ne trouverez pas d'autre origine de cette idée. C'est la seul différence qu'il y ait entre un cas unique, d'où nous ne recevons jamais l'idée de connexion, et un nombre de cas semblables qui suggère cette idée.

La première fois qu'un homme vit le mouvement se communiquer par impulsion, par exemple par le choc de deux billes de billard, il ne put affirmer que l'un des événements était en connexion avec l'autre ; il affirma seulement qu'il y avait conjonction. Une fois qu'il eut observé plusieurs cas de cette nature, alors il affirma que les faits étaient en connexion. Quel changement s'est produit, qui engendre cette nouvelle idée de connexion

Rien, sinon que maintenant cet homme sent que ces événements sont en connexion dans son imagination et qu'il peut aisément prédire l'existence de l'un de l'apparition de l'autre.

Quand donc nous disons qu'un objet est en connexion avec un autre, nous voulons seulement dire que ces objets ont acquis une connexion dans notre pensée et qu'ils font surgir cette inférence qui fait de chacun d'eux la preuve de l'existence de l'autre : conclusion qui est quelque peu extraordinaire, mais qui semble fondée sur une évidence suffisante. On n'affaiblira pas son évidence si l'on se défie, dans l'ensemble, de l'entendement, ou si l'on entretient des doutes sceptiques sur toute conclusion nouvelle et extraordinaire. Il ne peut y avoir de conclusions plus agréables au scepticisme que celles qui font découvrir la faiblesse et l'étroitesse du champ de la raison et des capacités humaines.

Et quel plus puissant exemple peut-on produire de l'ignorance et de la faiblesse surprenante de l'entendement que l'exemple présent ? Car sûrement, s'il y a une relation entre les objets qu'il nous importe de connaître parfaitement, c'est celle de cause et d'effet. C'est sur elle que se fondent tous nos raisonnements sur les questions de fait ou d'existence. C'est elle seule qui nous permet d'atteindre la certitude sur les objets qui sont privés du témoignage présent de notre mémoire et de nos sens. 

La seule utilité immédiate de toutes les sciences est de nous enseigner comment nous pouvons contrôler et régler les événements futurs par leurs causes. Nos pensées et nos recherches s'emploient donc, à tout moment, autour de cette relation ; pourtant, les idées que nous formons à son sujet sont si imparfaites qu'il est impossible de donner une juste définition de la cause, sinon, celle qu'on tire de ce qui lui est extérieur et étranger.

Des objets semblables sont toujours en connexion avec des objets semblables. Cette conjonction, nous en avons l'expérience. D'accord avec cette expérience, nous pouvons donc définir une cause comme un objet suivi d'un autre et tel que tous les objets semblables au premier sont suivis d'objets semblables au second. Ou, en d'autres termes, tel que, si le premier objet n'avait pas existé, le second n'aurait jamais existé. 

L'apparition de la cause conduit toujours l'esprit, par une transition coutumière, à l'idée de l'effet. Cette transition aussi, nous en avons l'expérience. Nous pouvons donc, conformément à cette expérience, former une autre définition de la cause et l'appeler un objet suivi d'un autre et dont l'apparition conduit toujours la pensée à l'idée de cet autre objet. 

Ces deux définitions sont tirées de circonstances étrangères à la cause et, pourtant, nous ne pouvons remédier à cet inconvénient et atteindre une définition plus parfaite qui puisse désigner, dans la cause, la circonstance qui la met en connexion avec son effet. Nous n'avons pas d'idée de cette connexion, ni même aucune notion distincte de la nature de ce que nous désirons savoir, quand nous nous efforçons de la concevoir. Nous disons, par exemple, que la vibration de cette corde est la cause de ce son particulier. Mais qu'entendons-nous par cette affirmation ? Nous entendons, ou que cette vibration est suivie de ce son et que toutes les vibrations semblables ont été suivies de sons semblables, ou que cette vibration est suivie de ce son et qu'à l'apparition de l'une l'esprit devance les sens et forme immédiatement une idée de l'autre. Nous pouvons considérer la relation de cause à effet sous l'un de ces deux jours ; mais, en dehors d'eux, nous n'en avons pas d'idée.

(David Hume, Enquête sur l'entendment humain, section VII, 2ème partie, éditions Aubier, pp.123-125)

Questions sur le texte :

1. Aurions-nous l'idée de connexion nécessaire, si nous observions, même attentivement, la conjonction des événements cas par cas ? D'où vient l'idée de connexion nécessaire, et quelles sont les conditions de sa formation ? Quel est le rôle de l'habitude ? Où sont les connexions entre les événements : dans les événements eux-mêmes ou dans l'esprit ?

2. Exposez avec précision la méthode par laquelle Hume cherche la source de l'idée de connexion nécessaire. Montrez l'importance de l'opposition : la première fois... - une fois que... ; montrez la différence de cet avant et de cet après, et soulignez en particulier la différence de la vue et de l'imagination.

3. La réflexion, qui découvre la source réelle de l'idée de connexion nécessaire, détruit-elle la solidité de la croyance de l'imagination ? En quel sens est-il agréable au scepticisme de découvrir la faiblesse et l'étroitesse de champ de la raison ?

4. La réduction de l'idée de la relation de la cause et de l'effet, strictement à ce qu'elle est, diminue-t-elle l'importance de cette relation dans la science et dans la pratique ?

Que contient réellement l'idée de cause ? Cette idée réelle de cause correspond-elle à l'idée spontanée ou irréfléchie que nous avons de la cause ? Analysez les deux définitions que Hume donne de la cause ; qu'y a-t-il de plus dans le second énoncé que dans le premier ? Montrez que, malgré cette addition que comporte le second énoncé par rapport au premier, il ne s'autorise pas pour autant à rien ajouter à ce que permet d'affirmer la stricte expérience.

 

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